Il n’est jamais trop tard pour acheter

Le troisième âge s’est découvert un goût immodéré pour la brique. Elle rassure, rapporte et délasse. Les développeurs et autres professionnels de l’immobilier le chouchoutent avec des produits à sa mesure. Et justement, des moyens, il en a.

Depuis toujours ou presque, on dit du Belge qu’il a une brique dans le ventre. Près de 70 % de la population sont propriétaires de leur logement. Ce qui est (relativement) nouveau, c’est qu’ils s’y prennent de plus en plus tôt, et, de plus, continuent à investir dans l’immobilier bien après l’âge de la retraite. Ou, à tout le moins, juste avant. Qu’est-ce qui peut bien motiver les personnes âgées à acheter et, surtout, qu’achètent-ils ? Un bien ? Un rendement ? Une sécurité pour l’avenir ? Explications, exemples à l’appui.

 » Quand j’ai commencé mon activité, voici trente-cinq ans, mes clients avaient entre 40 et 50 ans et sollicitaient un crédit pour acheter leur première maison, dans l’optique d’y résider jusqu’à la fin de leur vie, se souvient Pascal Lasserre, président de l’Association professionnelle des courtiers de crédits (APCC) et administrateur délégué d’Excel & Co. Aujourd’hui, au contraire, ils défilent au gré d’un cycle d’investissements qui démarre lorsqu’ils ont 25 à 35 ans, avec l’acquisition d’un studio ou d’un petit appartement 1-chambre dont la vente permettra, par après, de voir plus grand : un 2-chambres, une petite maison mitoyenne, une villa 4-façades.  » Soit un roulement d’acquisitions et de ventes qui sont fonction de la taille du bien, du budget qu’il représente et de l’âge des candidats-acquéreurs.  » L’idée d’un habitat qui correspond à la situation de l’acheteur est logique, au final, appuie Pascal Lasserre. Et, outre la barrière des droits d’enregistrement, particulièrement élevés chez nous, cela a le mérite de dynamiser le marché.  »

Un appartement dans sa commune

Du coup, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? L’espérance de vie ayant considérablement augmenté ces dernières décennies, il n’y a aucune raison pour qu’une personne arrivée à l’âge de la pension ne puisse pas continuer à investir dans l’immobilier. D’autant plus que, passé la cinquantaine, toutes les conditions sont réunies pour faire fructifier ses revenus, voire, plus tard, son épargne.  » La maison est payée ou en vue de l’être, les enfants sont quasiment ou complètement autonomes, et, bien souvent, l’héritage des (grands-) parents alimente les montants disponibles pour l’investissement, énumère le courtier en crédits. Sans compter que l’avenir des pensions légales n’est pas très sécurisé, en Belgique. Il est dès lors intéressant de pouvoir compter sur ses briques une fois sorti de la vie active.  »

Au rang des investissements réalisés par les seniors, Pascal Lasserre distingue quatre catégories. La première, la plus fournie, rassemble ceux qui se fatiguent de leur grande maison et décident de s’en défaire pour acheter un appartement… dans leur commune, sans pour autant devoir migrer vers la ville la plus proche et bousculer leurs habitudes. Un phénomène qui s’amplifie depuis deux, trois ans, ce qui a pour conséquence de voir les résidences à appartements s’élever dans des régions dont les maisons étaient jusque-là l’apanage.  » Leur succès s’est d’abord illustré dans les communes du Brabant wallon, explique Dominique Binet, de la filiale waterlootoise de l’agence Cap Sud. Parce que les villas qui les peuplent coûtent très cher en entretien – leurs jardins, surtout -, mais aussi parce que la crise et la baisse des taux d’intérêts sur les placements bancaires ont fait fondre les revenus des seniors, du fait de leur qualité de rentiers.  » Résultat ? En Brabant wallon, sur le segment des appartements, plus de 70 % des transactions sont le fait d’acquéreurs du 3e âge. Un constat qui se pose aussi ailleurs en Wallonie, comme le rapporte Pierre Guelette, de la branche namuroise du réseau d’agences, précisant que les alentours de Jambes, Bouge et Erpent, en plein développement, sont les plus demandés.

Ce qui ne veut pas dire que ces nouveaux propriétaires d’appartements y gagnent au change.  » La cible est connue des promoteurs, qui savent qu’ils s’adressent à une clientèle qui a les moyens de s’offrir des produits de standing « , poursuit le courtier waterlootois. Les moyens, mais aussi les exigences qui vont de pair. Car, si les seniors renoncent à la maison, ils n’en font pas autant de la taille de leur espace de vie, et ne se contentent pas des 60 à 80 m² habituels pour un 2-chambres.  » Nos clients plus âgés recherchent avant tout des bâtiments de gabarit modéré, des rez+3 au maximum, dont les appartements comptent une ou deux chambres pour une superficie de 100 à 150 m² « , observe Jennifer Wargnies, de Cap Sud Nivelles. Un marché qui a tellement le vent en poupe – contrairement aux villas, dont les prix sont en berne – qu’il n’est pas rare que la vente de la maison ne suffise pas à couvrir l’acquisition de l’appartement.

A la tête d’un patrimoine immobilier

Selon Pascal Lasserre, la seconde catégorie de produits dans lesquels les seniors placent leurs économies n’est autre que celle des biens de rapport.  » C’est un schéma classique, analyse-t-il. Dans l’ordre, on achète d’abord le bien dans lequel on vit, puis on se tourne vers un bien d’investissement et, en troisième lieu, vers un bien de loisir.  » Et d’ajouter qu’il ne faut pas être spécialement aisé pour se retrouver à la tête d’un patrimoine immobilier plus ou moins important.  » Les Belges pratiquent l’épargne comme un sport national, et nombre d’entre eux – parmi lesquels on trouve de gros portefeuilles, mais aussi des petits indépendants, des cadres, etc. – parviennent, au cours d’une vie, à devenir propriétaires non seulement de leur propre bien, mais aussi d’un petit appartement ici, d’un second là, voire de l’un ou l’autre immeuble de rapport.  » Autant de biens qui sont ensuite mis en location, et dont les loyers – non taxés – alimentent les revenus mensuels de ces investisseurs prévoyants, une fois retraités. Tout en leur permettant de bénéficier d’une fiscalité intéressante. Car, il ne faut pas l’oublier, dans la structure fiscale belge, le crédit hypothécaire est un outil indispensable pour optimaliser ses revenus.  » Le fisc ne vous abandonne pas à 50 ans, pas plus qu’à 60 ou 70 ans ! » sourit Pascal Lasserre.

Et de trois… la seconde résidence !

Après l’appartement et le bien de rapport vient… la seconde résidence. Laquelle prend le plus souvent la forme d’un pied-à- terre à la mer ou en Ardenne, voire d’une longère bretonne ou d’un petit mas provençal.  » La France est très appréciée des Belges, d’autant plus que l’acquisition d’une seconde résidence outre-Quiévrain peut être financée par un crédit hypothécaire contracté en Belgique « , souligne le courtier en crédits. Un avantage non négligeable, dans la mesure où  » l’Europe du crédit hypothécaire n’existe pas… encore « , pointe-t-il. Le cas échéant, l’un des leviers dont peuvent se prévaloir les candidats à l’acquisition d’une résidence secondaire à l’étranger est l’épargne-pension.  » Cet outil leur permet d’anticiper, dès 50 ans, le capital pension qu’ils toucheront quelque quinze ans plus tard, explique Pascal Lasserre. Le montant estimé peut servir de remboursement à terme pour un investissement de loisirs.  »

Une fois le bien de villégiature acquis, celui-ci présente le grand avantage d’être l’objet de locations saisonnières. Avec la perspective de rembourser plus vite l’emprunt sollicité, ou encore, de financer plus aisément des travaux de rénovation. De quoi travailler à sa tranquillité d’esprit future, lorsque le moment sera venu d’occuper le bien de façon plus régulière, voire, définitive.

Le procédé est tellement intéressant que plusieurs grands groupes immobiliers, à l’image du français Pierre & Vacances, ont décidé de fonder leur stratégie commerciale sur cette niche, systématisant le principe en une formule d’investissement bien huilée… et moins taxée (lire l’encadré ci-dessous).

L’acquisition d’un appartement ou d’un studio dans une résidence-service, prélude à une éventuelle entrée en maison de repos, se range dans la quatrième des catégories définies par Pascal Lasserre. Et est motivée par différents arguments.  » En tant qu’investissement pur et dur, c’est un excellent choix, observe-t-il. En effet, compte tenu de l’allongement de l’espérance de vie, la population susceptible de faire appel à ce genre de structures ne cesse de croître. Les revenus locatifs que l’on peut en tirer sont assurés.  » Cela étant, acquérir pareil bien revient également à se sécuriser une place réservée dans un complexe préalablement choisi, qui, lorsque son tour viendra, sera payée. Cela équivaut donc aussi à un investissement personnel, un excellent moyen d’assurer la quiétude de ses vieux jours.  » Et ce, d’autant plus que le volet « services » de ce genre d’établissements représente des montants mensuels importants, note encore le courtier en crédits. Raison de plus pour faire en sorte que le volet résidentiel soit d’ores et déjà réglé.  »

DOSSIER RÉALISÉ PAR FRÉDÉRIQUE MASQUELIER

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