Hiver russe

de CHRISTIAN MAKARIAN

Proverbe moscovite :  » Quelle est la différence entre un optimiste et un pessimiste ? L’optimiste est celui qui croit que nous vivons dans le meilleur des mondes possibles. Le pessimiste est celui qui pense que l’optimiste a raison. « 

Inutile de dire vers quel état d’esprit nous inclinent les assassinats, le 19 janvier dernier, de l’avocat Stanislav Markelov, 34 ans, et de la journaliste Anastassia Babourova, 25 ans, tous deux abattus d’une balle dans la nuque en plein centre de Moscou. L’un et l’autre enquêtaient légalement sur les agissements de la clique de Ramzan Kadyrov, épouvantable maître de la Tché-tchénie mis en place par Poutine. Ils étaient également engagés dans la dénonciation des groupes néonazis qui prolifèrent en Russie.

Jusqu’ici, selon que l’on écoutait les milieux d’affaires, longtemps béats d’admiration devant les recettes de Poutine, ou les défenseurs des droits de l’homme, complètement dépressifs, le constat allait du redressement à l’enfoncement du pays. L’optique  » raisonnable  » consistait à parier sur les effets induits du business – dont on espérait, à terme, une ouverture démocratique – et à contenir ses émois sur la question des libertés. Ce fut, notamment, la voie choisie par l’Allemagne du chancelier Schröder et, en partie, celle adoptée par Jacques Chirac, compréhensif, il est vrai, à l’égard du sursaut patriotique russe mais inquiet de ses corollaires mafieux. La crise économique mondiale vient contrecarrer toutes ces cyniques expectatives. Avec l’effondrement des prix du pétrole et du gaz, l’espérance de prospérité de la Russie, jugée si prometteuse, s’essouffle brusquement, pour laisser remonter à la surface la violence d’une société insensibilisée par un mélange de matérialisme et de nationalisme. Durant l’été 2008, l’invasion de la Géorgie n’a pas dissuadé les nouveaux riches russes de fréquenter les hôtels de luxe de la Côte d’Azur ; cet hiver, ils ont, en revanche, multiplié les annulations à Courchevel. C’est toute la stratégie du Kremlin, fondée sur l’exploitation acharnée des matières premières, qui se trouve enrayée. Une Russie à croissance lente ? On est soudain saisi de frayeur à l’idée du durcissement croissant du régime. Et pourtant. Si le capitalisme est aujourd’hui jugé immoral en Occident, comment a-t-on pu croire qu’il suffirait à relever la nation qui l’a le plus combattu ?

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