Guide de survie

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Durant deux jours, des profs apprennent

à enseigner dans des situations difficiles

et à déjouer les conflits. C’est déjà ça.

Ils se disent  » privilégiés  » : tous ceux qui sont là enseignent dans des écoles  » calmes « , et aucun d’entre eux n ‘a été  » corrigé  » par ses élèves. La plupart ont quinze, vingt ans de métier. Pourtant, si on gratte un peu, leur quotidien ressemble parfois à de la survie. Refus d’enlever son MP3, bavardage ininterrompu, retard intempestif, insultes entre ados, décrochage scolaire, insolence, insultesà Ils savent que tout peut déraper en une seconde, qu’ils ne pourront pas toujours empêcher l’escalade de la violence. Ainsi, en décembre dernier, dans sa classe, cette jeune femme a été insultée, agressée verbalement par un parent, puis humiliée dans le bureau du directeur.  » Il a expédié l’ affaire en quelques minutes !  » A l’origine du conflit, un événement anodin : ses élèves ont contesté leurs résultats aux examens.  » Je suis devenue la  » mauvaise prof « . « 

Face à ces attaques, les enseignants se sentent bien seuls et pas assez soutenus par leur hiérarchie et leurs collègues.  » Je punis un élève ; le directeur lève la punition !  » s’emporte une prof. De quoi inciter à se taire. Alors, dans sa classe, chacun se débrouille comme il le peut.

Depuis ce matin, dans une salle de cours, Matthieu Daubresse, éducateur chevronné, anime une formation  » Prévention et gestion des relations critiques en classe  » (organisée par l’Institut de la formation en cours de carrière). Ici, durant deux jours, ces profs viennent chercher des ficelles, des outils pour déjouer les conflits et s’habituer à la confrontation.

 » Ils ont honte et peur de parler « 

D’abord, le formateur leur rappelle qu’ils sont attaqués comme éducateurs, non comme individus ( » Ça fait du bien ! « ). Avec un credo : les ados ont une personnalité à part. Puis il passe à la pratique : être solidaire, ne laisser passer aucun écart, convoquer l’élève à la fin du cours pour ne pas réagir  » à chaud « , éviter l’ironie, les jugements de valeur et les allusions physiques, rester respectueux en toutes circonstances, valoriser chaque effort, savoir recourir à un intervenant extérieur. Du bon sens, qui peut, sur le terrain, relever du défi. D’ailleurs, ce jour-là, certains profs sont plutôt dubitatifs. Les grands absents, ce sont aussi les parents.  » Ils démissionnent ou ils soutiennent leur gosse, coûte que coûte.  » Le nerf de la guerre ? La formation des futurs enseignants. Ils ne sont pas préparés à canaliser les conflits. Or Eric Debardieux, membre de l’Observatoire européen de la violence scolaire, pointe  » la baisse de la violence lorsque les profs ont appris à la contrer « .

A combien se chiffre la violence scolaire ? Difficile à dire. En 2007, la Cellule des accidents du travail a répertorié 239 actes de violence commis dans les écoles de la Communauté française. Elle prend en compte les incivilités, les agressions physiques et verbales. L’inventaire signale tout de même 100 faits de coups, 81 bousculades et 33 lancements de projectiles, sur les 239 agressions.  » Mais certains profs ont honte et peur de parler. Ils hésitent parce qu’ils ont peur d’être mal vus de leurs collègues ou de leur hiérarchie « , commente une enseignante. C’est ce qui est arrivé à Anne, 46 ans, prof de néerlandais en 4e secondaire dans un athénée bruxellois. En moins de cinq minutes, un élève a semé le désordre dans la classe, anéanti son autorité et lui a balancé une poubelle dans le dos. Personne n’a bronché. Chez le préfet, face à l’adolescent, elle a dû raconter l’incident, affronter la suspicion. Lâchée, elle a laissé tomber. Son agression n’est enregistrée nulle part.

La formation est organisée par l’Institut de formation en cours de carrière pour les enseignants de la Communauté française. Info : www.ifc.be

Soraya Ghali

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