Guerre et paix

Le Vif

On commence à parler en Ukraine de renversement de situation, propice à un retour à la table des négociations (Le Vif du 22 septembre). D’où cette question: après avoir été si longtemps spectatrice de la guerre, l’Europe sera-t-elle enfin actrice de la paix? Pas de paix possible, pourtant, sans mise en perspective. La mienne s’inscrit dans plusieurs séjours passés sur place en 1992 et dans de longues veillées à rêver, avec d’autres étudiants avides d’ouverture et de paix, d’une Europe réunifiée dans un pays profondément pluriel, habité par de multiples nationalités et riche d’une exceptionnelle diversité de langues et de cultures. 1999. Nous assistons à l’amputation «par la force» d’une province serbe majoritairement peuplée d’Albanais indépendantistes. Le Kosovo est «libéré» en quelques semaines d’intenses «frappes chirurgicales». Ma seule consolation à l’époque, devant une violation aussi flagrante du droit international, est de me dire que si l’Occident a jugé bon d’ainsi faire parler la poudre pour une province séparatiste des Balkans, il s’en souviendra sûrement le jour où certains oblasts ukrainiens revendiqueront les mêmes libertés. Ce qui ne manque évidemment pas d’arriver en 2014, à l’issue du coup d’Etat de la place Maïdan. Bien des russes d’Ukraine, en Crimée et dans le Donbass, ne se reconnaissent pas dans ce virage à l’Ouest et dans l’adoption soudaine de lois linguistiques restrictives et exigent plus d’autonomie. Et l’Otan de préparer l’armée ukrainienne à affronter ses propres ressortissants prorusses et leur protecteur russe aussi peu désintéressé. Février 2022. L’Europe vole avec ses alliés au secours d’une Ukraine envahie par son puissant voisin, comble de la prophétie autoréalisatrice. Comment pouvait-elle faire autrement? Mais fallait-il y aller à coup de milliards d’euros en armements divers, sans jamais essayer d’avoir son mot à dire sur le règlement de ce conflit? Et maintenant? S’étant montrée si peu à la hauteur dans le parrainage des Accords de Minsk, notre Europe transformée en champ de bataille économique se souciera-t-elle enfin sérieusement de la protection des minorités ethniques et linguistiques dans une Ukraine restaurée ou non dans ses frontières internationalement reconnues?

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