Grands ou petits actionnaires, tous perdants

Avec la crise boursière, des riches se retrouvent un peu moins riches – ou carrément dans la gêne – et des  » pas riches « , franchement plus pauvres. Bref, c’est dur pour tout le monde. Toutes proportions gardées.

Dans le nord du pays, certains ricanaient sous cape en évoquant les noms de ces familles francophones  » de la haute  » qui viennent de laisser les plumes de leur chapeau chez Fortis. Désormais, il sera plus aisé de leur demander de baisser le ton d’un cran, en s’enquérant de la douloureuse chute de leurs actions KBC. Comme le rappelle Tony Coenjaerts, directeur de Trends Tendances (1), parmi les actionnaires individuels de cette banque, de grands industriels flamands, tel Piet Van Waeyenberghe, doivent regarder, consternés, les cours de la Bourse…

Dans Humo, Ludwig Verduyn, auteur du livre Les 200 familles belges les plus riches, remarque qu’Albert Frère aurait perdu 600 millions d’euros dans la récente crise financière, les Boël, 300 millions, et Maurice Lippens, 270 millions… Pas de doute : les famillesBoël, les Solvay, les Janssens, les de Meeûs, tous ces grands noms et actionnaires importants du pays, tous ceux qui avaient cru en Fortis dur comme fer, ont de quoi afficher triste mine. Néanmoins, dans la cour des grands, là où on calcule en millions d’euros, les pertes ne sont pas forcément dramatiques. Air connu : on est sûr de sa déculottée en Bourse que le jour où l’on décide de vendre. Quoique fort désagréable, une perte virtuelle n’empêche donc pas tous les actionnaires de continuer à tenir leur rang.

De plus, pour peu qu’ils n’aient pas acheté leurs actions au prix fort, certains ne laisseront peut-être ni leurs guêtres ni l’armure de leurs ancêtres dans cette crise, reconsidérée dans le cadre d’une vision à long terme. Enfin, un certain nombre de ces riches perdants ont généralement d’autres sources de revenus que leurs actions, précise Tony Coenjaerts. Alors, certes, voir s’envoler 125 millions d’euros ne fait jamais plaisir, mais quand on sait qu’il en reste plus de 50 dans son bas de laine, cela permet de ne pas s’inquiéter pour la poule au pot du dimanche.

Pauvres ou riches, ils voyaient en Fortis un placement sûr

Il n’empêche. Rien que la déroute de Fortis vient de valoir de solides corrections, parfois fatales. Or, comme le rappelait récemment un parlementaire francophone connu, que l’on soit pauvre ou riche, une personne ruinée reste ruinée.  » Au sein des grandes familles de ce pays, des investisseurs avaient hérité de gros paquets d’actions Fortis. Ils avaient tout misé sur ces dernières car, comme beaucoup d’autres citoyens, ils croyaient en ce bon placement de père de famille. Ils avaient oublié la règle de base, qui consiste à ne jamais placer tous ses avoirs dans le même panier et à ne jamais dépasser un petit pourcentage d’actions dans une même société « , poursuit un interlocuteur bien informé. Il se murmure aussi que certains gros porteurs issus de milieux aisés s’étaient endettés pour souscrire à la récente augmentation du capital de cette banque. Les voilà contraints de rembourser cet emprunt bien mal placé.

Par ailleurs, même quand Fortis n’est pas en cause, de vieilles dames très dignes découvrent actuellement qu’on leur avait conseillé des placements de longue durée… plutôt risqués, dignes de traders. L’une d’entre elles a ainsi appris que toutes ses actions étaient des produits Lehman Brothers, désormais en faillite. Adieu dividendes, adieu train de vie ! Adieu la haute ?

(1) Tony Coenjaerts est responsable du classement des grandes fortunes du pays, que l’hebdomadaire économique a publié dans son édition du 9 octobre.

P.G.

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