Glenn Audenaert : stop ou encore ?

Le directeur judiciaire de la police fédérale de Bruxelles doit passer bientôt en commission d’évaluation. Malgré ses nombreuses casseroles, l’omnipotent Glenn Audenaert a des chances de rempiler.

La loi Mammouth sur la réforme des services de police prévoyait, en 2000, que le mandat des chefs de corps serait de cinq ans, renouvelable une fois. Mais, quelques années plus tard, les mandats sont devenus renouvelables à l’infini, pour autant que les candidats aient réussi leur examen devant une commission d’évaluation ad hoc. Une centaine de mandats policiers expirent ainsi au début de l’année prochaine. Un cas retient particulièrement l’attention : celui de Glenn Audenaert, 55 ans, le directeur judiciaire ( » dirju « ) de la police fédérale de Bruxelles (600 personnes sous ses ordres). Il a déjà effectué deux mandats de cinq ans. Il postule pour un troisième. Stop ou encore ?

L’homme défraie régulièrement la chronique. C’est un people, un  » politique  » habitué des coups d’éclat. Il suffit de se rappeler ses déclarations sur les radicaux islamistes ( » Ils sont parmi nous « ), sur la féminisation du parquet (qui lui a valu une plainte auprès de l’Institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes), sur Francine De Tandt, présidente du tribunal de commerce de Bruxelles (il l’a accusée de corruption dans une lettre au ministre de la Justice, en 2009), sur l’opération Calice, dont la démesure lui en est, en partie, imputable. Outre ses rodomontades sur le repas servi aux prélats retenus au palais archiépiscopal de Malines, le policier avait accusé, dans le quotidien De Morgen, Peter Adriaenssens, président de la commission éponyme, d’être un  » complice  » des pédophiles de l’Eglise.

Bref, le bonhomme à la verve incontrôlable est, de fait, incontrôlé. Sa hiérarchie se borne à lui rappeler, le cas échéant, son devoir de réserve. Mais son vrai  » patron « , le procureur du roi de Bruxelles, Bruno Bulthé, également étiqueté Open VLD, semble satisfait de ses services. Aucun ministre de la Justice n’a jamais demandé une  » évaluation intermédiaire  » à son égard. Il faut reconnaître que Glenn est rusé, populaire auprès de son personnel, et qu’il a tissé, en homme de réseau, des liens avec les milieux les plus divers (Maroc, Turquie, affaires, politique, loges, médias, etc.). Cela lui confère, à tort ou à raison, une aura de puissance.

Trois notes

L’épreuve de la commission d’évaluation qui, d’après les informations du Vif/L’Express, devrait se tenir au début du mois de novembre, n’aura pourtant rien d’une formalité. Outre l’inspecteur général de la police f.f., François Adam, qui présidera la séance, celle-ci réunira le procureur du roi de Bruxelles (dont il se dit que le rapport est élogieux) et le directeur général de la police judiciaire fédérale, Paul Van Thielen (sévère à l’égard de son subordonné ?). Bien que la procédure ne le prévoie pas, l’avis du procureur fédéral, Johan Delmulle, responsable de la coordination des enquêtes d’envergure nationale et internationale, a été sollicité. La principale unité de lutte antiterroriste policière du pays, la DR3, est celle de la PJF de Bruxelles. Delmulle est-il, lui aussi, réservé à l’égard des résultats effectifs d’Audenaert ? Possible.

Comme de juste, Glenn Audenaert défendra son travail et ses projets et il peut solliciter d’autres avis extérieurs. Sur cette base, la commission d’évaluation rédigera une proposition de rapport, qu’elle soumettra au candidat. Celui-ci a sept jours pour réagir. La commission est libre de tenir compte ou non de ses remarques. Ensuite, elle lui fera parvenir son rapport définitif. Pour quel verdict ? La procédure comprend trois notes :  » bien « ,  » satisfaisant « ,  » insuffisant « . En présence d’un  » bien « , le candidat est reconduit sans discussion. Face à un  » satisfaisant « , le poste doit être remis en compétition. Avec un  » insuffisant « , le candidat est exclu de la compétition.

Pour Audenaert, les options  » bien  » et  » insuffisant  » semblent exclues. Reste le  » satisfaisant « , une cote moyenne. Mais si aucune autre candidature que la sienne ne se manifeste, il sera reconduit automatiquement. Aucune rumeur ne signale qu’un policier d’élite est prêt à se mesurer au grand Glenn. Pas un francophone pour contester l’hégémonie flamande sur l’appareil sécuritaire belge ? Certes, l’appel à candidatures n’a pas encore été lancé. Mais la possibilité existe que, faute d’alternative, le chef de la PJF de Bruxelles-Hal-Vilvorde rempile pour cinq ans.

Réputé blanc-bleu

Or quelques inconnues grèvent son bilan. Francine De Tandt, inculpée de faux, usage de faux et violation du secret professionnel, n’a pas encore été jugée. Audenaert l’avait accusée de corruption, dans sa  » bombrief  » de 2009. La plainte que la magistrate a déposée pour  » dénonciation calomnieuse et pour violation du secret professionnel  » est toujours à l’instruction à Bruxelles. L’ami de Glenn Audenaert, François De Kelver, un grossiste en fruits et légumes qui a eu des démêlés avec l’avocat Robert Peeters (pour mémoire, Audenaert dénonçait un pacte de corruption entre Francine De Tandt et cet avocat), n’a pas encore été jugé pour les faits de fraude fiscale (10 millions d’euros) qui lui sont reprochés à Louvain.

Dans un autre registre, l’instruction ouverte contre X, en 2008, pour identifier, à la demande de la Sûreté de l’Etat, l’auteur de la divulgation d’informations sensibles sur Abdelkader Belliraj, condamné depuis lors au Maroc pour terrorisme, s’est soldée par un non-lieu, en mai 2009. Seule la police judiciaire fédérale avait eu accès au dossier judiciaire marocain et, dès lors, pouvait connaître la qualité d’informateur de la Sûreté de l’Etat du Belgo-Marocain, qui fut dévoilée par le quotidien De Morgen, dans le contexte d’une  » guerre des services « .

Glenn Audenaert ne fait l’objet d’aucune procédure disciplinaire. Il est, par principe, réputé blanc-bleu. Mais le système des mandats indéfiniment renouvelables a montré ses limites. Il concentre trop de pouvoirs dans les mains d’un seul homme. Le conseil fédéral de police a d’ailleurs préconisé un retour à l’ancienne règle : deux mandats de cinq ans maximum au même poste.

MARIE-CéCILE ROYEN

Le système a montré ses limites

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