Geert Bourgeois : basta la France, trop is te veel !

Fortis, Dexia : la nouvelle OPA française sur la  » SA Belgique  » fait rugir les nationalistes flamands. Pour l’ex-ministre N-VA, le crime est signé : il est évidemment francophone.

Fortis dans l’escarcelle de BNP Paribas, les Français un peu plus aux commandes chez Dexia. Un nouveau hold-up de l’Hexagone sur la Belgique ?

Après la Générale de Belgique, après le secteur de l’énergie tombé entre les mains de Suez, il faut bien constater que la SA Belgique est vendue aux Français. Il est temps de mettre le holà.

Trop is te veel ?

Oui, parce que c’est toujours à sens unique. On pourrait rappeler le projet de fusion, prometteur, de la Sabena avec la compagnie néerlandaise KLM, abandonné au profit d’Air France puis de Swissair. Et dans la crise bancaire actuelle, on se pose des questions sur le rejet rapide par le gouvernement fédéral de la candidature néerlandaise d’ING au rachat de Fortis. Encore une fois, on n’a joué que la seule carte française.

Qui dicte la consigne, selon vous ?

Une fois de plus, la haute finance francophone, avec le soutien de la Cour, roule pour les Français. Comme cela s’est passé avec la Société Générale de Belgique et avec la Sabena.

Vous nous ressortez la théorie du grand complot, orchestré par un gouvernement dominé par les francophones comme le sous-entend votre collègue de parti, le député Jan Jambon ?

Je ne parle pas de complot. Mais il y a clairement un veto francophone à tout autre candidat acheteur que français.

Faire autant affaire avec les Français, est-ce si mauvais pour la Flandre ?

C’est mauvais pour tous les Belges, francophones aussi. Même si la Flandre est sans doute plus sensible à cette question que la Wallonie.

La nomination d’une carrure comme Jean-Luc Dehaene au sommet de Dexia n’offre-t-elle pas un contrepoids à la Flandre ?

Jean-Luc Dehaene a de grandes capacités, un vaste réseau, est très populaire. Mais ce n’est pas sa désignation en soi qui va rétablir la confiance. La liquidation de Dexia à la France est bien plus importante.

Le patron de BNP Paribas ne s’est pas exprimé une seule fois en néerlandais pour commenter le rachat de Fortis, lors de sa première conférence de presse en Belgique. Cela vous choque-t-il ?

Ce n’est pas le plus important dans l’immédiat. Mais si on veut diriger une banque qui représente des intérêts aussi importants en Belgique, on est en droit d’attendre qu’à terme un effort sera entrepris pour apprendre le néerlandais. C’est une question de respect pour la Flandre. Cela démontre de toute façon que le pouvoir de décision est parti à l’étranger.

On dit que l’argent n’a pas d’odeur. Celui originaire de France vous incommode-t-il tant que cela ?

Pas plus que s’il venait d’Espagne, d’Angleterre ou des Pays-Bas. Le problème, c’est que l’on assiste en Europe à un regain des nationalismes. Ce sont les intérêts nationaux qui priment à nouveau. D’où l’importance de conserver chez nous les centres de décision et de pouvoir. Dans le contexte actuel, la question de l’ancrage de l’économie devient cruciale.

Maurice Lippens, ex-patron de Fortis, incarne cette aristocratie financière belgicaine qui vous déplaît. Son départ doit vous enchanter…

Maurice Lippens appartient effectivement à la grande bourgeoise francophone. Emporté par son rêve mégalomaniaque, il a très mal géré le rachat d’ABN Amro par Fortis. Il aurait mieux fait de partir plus tôt.

Votre point de vue communautaire sur ce genre de question n’est-il pas aussi toxique que certains produits financiers aujourd’hui ?

Toxique ? Je le répète : nous ne pouvons que constater une nouvelle prise de pouvoir des Français en Belgique. l

Entretien : Pierre Havaux

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire