Futur champion des Tories ?

Après des JO très réussis, le maire de Londres, Boris Johnson, voit son étoile briller au sein du Parti conservateur. De quoi donner des idées à un élu plus populaire que David Cameron.

A 48 ans, avec sa silhouette pataude, il est tout sauf un athlète mais, à sa manière, c’est un champion. A Londres, la fête olympique s’est terminée le 12 août. Et Boris Johnson, le maire de la capitale, collectionne les lauriers. Non seulement les médias le créditent du sans-faute dans l’organisation des Jeux, mais l’opinion commence à envisager sérieusement que le bouillant édile de Londres puisse devenir le prochain Premier ministre.

Sérieusement ?  » Un trublion à l’assaut de Londres « , commentait Le Vif/L’Express, le 25 avril 2008, lorsque ce conservateur brouillon, réputé pour ses scandales et ses gaffes, s’est lancé dans la bataille pour la mairie de la capitale britannique. Elu, et réélu le 3 mai dernier, ce diplômé de la très chic école privée d’Eton, puis de l’université d’Oxford, a su faire oublier ses origines d’aristocrate déclassé et gagner l’affection du public. Face au Premier ministre, David Cameron, adepte d’une communication contrôlée et aseptisée, l’excentricité d’Alexander Boris de Pfeffel Johnson – son nom complet – vaut brevet d' » authenticité « . Entre les deux hommes, la méfiance est de mise. Pendant les Jeux, cet adepte de la dérision promet à la foule  » plus d’or, d’argent et de bronze qu’il n’en faut pour renflouer la Grèce et l’Espagne réunies « . Lors de la cérémonie d’ouverture, il félicite la reine pour son numéro avec Daniel Craig, l’acteur qui joue James Bond, et vante cette  » cérémonie magnifique et dingue « . Il brocarde François Hollande, qui avait, imprudemment il est vrai, ironisé sur le lent démarrage des athlètes britanniques. Naguère réputé pour une vie sentimentale agitée, il ose même comparer les joueuses de beach-volley à des  » loutres luisantes « . Mais tout glisse.

Les sondages indiquent qu’à 48 ans il est plus populaire que Cameron et que, sous sa conduite, le Parti conservateur pourrait s’en tirer mieux aux élections que sous celle du Premier ministre actuel. Du coup, certains de ses partisans rêvent qu’avant 2015, date prévue pour le prochain scrutin, une révolution de palais, comme celle qui débarqua, jadis, Margaret Thatcher, pourrait éjecter David Cameron au profit de l’homme à la tignasse blonde en pétard. Car l’économie britannique reste encalminée dans la stagnation. La politique d’austérité budgétaire mise en place n’a pas encore rétabli la confiance. Et Cameron, lié par un accord de gouvernement avec le Parti libéral-démocrate, pro-européen, est soupçonné par l’aile eurosceptique de sa propre formation d’être trop indulgent vis-à-vis de l’Europe. L’autre espoir du parti tory, le chancelier de l’Echiquier, George Osborne, voit, lui, son avenir politique conditionné par le calendrier du retour de la croissance. En face, Boris Johnson se pose sans complexe en chantre audacieux de l’économie libérale, pressant le gouvernement d' » aller plus loin  » et distribuant sans barguigner les mauvais points à Bruxelles. La base conservatrice adore.

Un  » couillon  » bloqué sur une tyrolienneà

Dans le climat de défiance croissant à l’égard de la classe politique, le franc-parler, même brutal, de Boris Johnson est son meilleur atout. Certes, l’homme brille plus par ses instincts que par ses idées, floues et fluctuantes. Mais il réussit l’exploit d’incarner cette veine populiste au sein d’une formation dominée par une élite encore marquée par l’origine aristocratique. Sera-t-il candidat avant 2015 ou misera-t-il, plus prudemment, sur une défaite de Cameron ? Cela reste à voir. Il faut, pourtant, se garder de le prendre au sérieux, lorsque, dans une allusion à un incident survenu dans Victoria Park qui l’a contraint à rester suspendu à une tyrolienne, il répond à une question sur son emménagement, un jour, au 10 Downing Street :  » Qui pourrait voter pour un couillon bloqué au milieu d’un filin ?  » Derrière la pirouette, l’ambition reste inassouvie.

JEAN-MICHEL DEMETZ

Le franc-parler, même brutal, de ce populiste est son meilleur atout

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