Fusillés pour l’exemple ?

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’article de Pierre Havaux consacré aux fusillés belges de 1914-1918 ( Le Vif/L’Express du 17 janvier). Je crois que certaines précisions pourraient utilement y être apportées. Il convient d’être très prudent lorsqu’on utilise le terme  » fusillés pour l’exemple « . En France, notamment, ce terme désigne les militaires exécutés en dehors de tout recours à une juridiction, sur simple décision d’un chef sur le champ de bataille. Il y en aurait eu environ 500 dans l’armée française, environ 300 dans l’armée italienne. Si l’on suit cette définition, il n’y a eu aucun  » fusillé pour l’exemple  » dans l’armée belge. Les onze soldats fusillés l’ont été à la suite du jugement d’un conseil de guerre. Le motif était l’abandon de poste ou l’insubordination en présence de l’ennemi ; cette dernière précision est loin d’être un détail. Elle signifie que les soldats reconnus coupables avaient exposé leur unité à de graves dangers supplémentaires. L’article souligne avec raison qu’un cas n’est pas l’autre, deux des fusillés ayant été reconnus coupables du meurtre d’un supérieur. Le douzième militaire exécuté (Emile Ferfaille, maréchal des logis d’artillerie) l’a été pour avoir commis un crime crapuleux de droit commun et n’a pas été fusillé mais guillotiné, à Furnes, le 23 mars 1918. C’est la dernière fois qu’une exécution de ce type eut lieu en Belgique. Il faut comprendre aussi que les circonstances relevaient du monde de Kafka. Les chefs militaires avaient le devoir de maintenir la discipline et la cohésion de l’armée. Devant des fautes très graves, la seule alternative à la peine de mort était une peine de prison. Il faut se représenter que la vie, certes fort désagréable, en prison était moins pénible et surtout moins dangereuse que l’enfer des tranchées où se trouvaient ceux qui faisaient leur devoir. Cela laissait peu de marge. Par ailleurs, la légende de soldats flamands envoyés à la mort par des ordres formulés en français n’était pas le sujet de l’étude évoquée. Pierre Havaux parle avec raison d’un  » mythe tenace « . Il est d’ailleurs aisé d’en démontrer l’inanité, mais les canards ont la vie dure…

La vie en prison était moins pénible que l’enfer des tranchées.

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