Fortis : et si les actionnaires votaient non ?

Les 11 et 13 février prochains, les actionnaires belges et néerlandais de Fortis Holding doivent se prononcer sur le nouvel accord signé avec BNP Paribas. Mais que se passera-t-il si les actionnaires refusent ? Scénarios possibles.

Nous ne ferons aucun commentaire sur un scénario B en cas de refus de cette nouvelle proposition « , insiste un porte-parole du gouvernement. Le message est clair : les négociations très dures – et qui ont failli capoter – entre le gouvernement, Fortis Holding et BNP Paribas offrent le meilleur équilibre possible pour l’ensemble des parties prenantes dans cette affaire. Soit les actionnaires, mais aussi l’entreprise en tant que telle et les personnes qui y travaillent. En effet, 90 % des actifs d’assurance – non négligeables en Belgique – sont à nouveau nichés au sein de Fortis Holding. Cet actif industriel lui permettrait de redevenir un acteur dans l’assurance. La responsabilité de Fortis Holding dans le SPV ( » special purpose vehicle « , soit un véhicule où est niché le portefeuille des crédits toxiques) est également revue à la baisse. Et certaines garanties d’emploi, au sein des activités bancaires reprises par BNP Paribas, sont offertes.

Un scénario idéal… lourdement critiqué

Ce résultat est toutefois loin d’enthousiasmer certains organismes de défense des actionnaires minoritaires. Au moment où nous bouclons ces lignes, l’actionnaire chinois Ping An (qui détient 4,99 % du capital de Fortis Holding) pencherait pour le  » non « , même si des négociations sino-belges doivent encore avoir lieu. Les actionnaires minoritaires s’opposent donc au nouvel accord et militent, à coups d’interviews et de communiqués de presse, pour que le  » non  » l’emporte lors de l’assemblée générale. Si tel devait être le cas, quelles en seraient les conséquences ?  » L’Etat redevient actionnaire à 100 % de Fortis Banque, explique Me Modrikamen. Quant à Fortis Holding, elle reprend la totalité des parts qu’elle détenait dans les activités d’assurance en Belgique et à l’étranger, excepté aux Pays-Bas. Ce scénario ouvre de nouvelles possibilités de négociations.  » Si le  » non  » l’emporte le 11 février, la participation de Fortis Holding dans la SPV remonte à 66 %. Mais les actionnaires minoritaires tablent sur le fait que les nouveaux membres du conseil d’administration refusent la participation de Fortis Holding dans le SPV. La vente des activités néerlandaises pourrait également être contestée et, in fine, annulée. L’objectif final étant, pour Fortis Holding, de remettre la main sur Fortis Banque et de recréer le groupe financier d’avant que la crise financière n’éclate. Comment financer un tel scénario ?  » Fortis Holding détient 3 à 4 milliards d’euros de liquidités qui pourraient être utilisés pour monter en puissance dans Fortis Banque « , estime Me Modrikamen.

Ce  » scénario idéal  » est toutefois très lourdement critiqué par de nombreuses parties prenantes aux négociations ainsi que par un défenseur des actionnaires minoritaires. En effet, si Deminor et le cabinet Modrikamen sont sur la même longueur d’onde, le VFB – groupe qui défend également les petits actionnaires – prend ses distances et encourage les actionnaires à voter  » oui « .  » Grâce aux avocats, juges et experts, nous constatons que les actionnaires de Fortis ont regagné leur droit de décision et seront actionnaires d’une société d’assurances plutôt que d’un bric-à-brac financier « , explique son président Paul Huybrechts, dans une carte blanche publiée sur le site du Standaard. Ce dernier n’a jamais été un grand partisan d’un scénario de stand alone car, selon lui, il est impossible pour l’Etat de répondre aux besoins financiers potentiels de Fortis. Et les prêts interbancaires octroyés par BNP Paribas à l’automne passé ne seront sans doute plus avancés par le fiancé éconduità  » Ce n’est pas parce qu’il y a une éclaircie dans la tempête ( Ndlr : Fortis Banque a amélioré sa position en cash malgré les pertes annoncées) que tout est réglé, prévient Valère Croes, qui fut l’un des grands artisans de Fortis. Le nouvel accord ficelé avec BNP Paribas permet de stabiliser la situation de Fortis Banque, offre une garantie de continuité et permet l’accès d’un réseau bancaire jusqu’en 2020 aux activités d’assurance de Fortis Holding. Il serait donc très grave qu’un calcul à court terme – soit améliorer le cours de Fortis Holding de quelques euros – mette à mal les perspectives à long terme de la société. Même si, en tant qu’actionnaire, je peux regretter le prix fort bas offert pour les activités bancairesà  »

Selon différents interlocuteurs très proches du dossier, le refus du nouvel accord avec BNP Paribas aurait plusieurs conséquences :

BNP Paribas risque de tirer sa révérence. Selon différentes sources, les discussions ont été ardues et les Français, poussés dans leurs derniers retranchements. Il n’existerait donc plus de marge de man£uvre du côté de BNP Paribas. Sans ce dernier, la seule option pour Fortis Banque serait donc le stand alone, dans les mains de l’Etat.

Fortis Holding sera, à nouveau, à hauteur de 66 % dans le SPV, soit le portefeuille des produits structurés dits toxiques. Ce qui alourdirait très fortement les risques de son bilanà

L’accord quant à l’utilisation du réseau bancaire Fortis pour vendre les assurances nichées dans Fortis Holding deviendrait caduc. Ce manque de réseau pourrait être perçu très négativement par les marchés et, donc, avoir un impact néfaste sur le cours de Bourse de Fortis Holding.

Enfin, bien plus grave : la vente, par Fortis Holding, de 49 % des activités de Fortis Banque sera annulée. Fortis Holding devra donc mettre 4,7 milliards d’euros sur la table pour cette activité. Un montant dont elle ne dispose pas.  » Fortis Holding n’a pas 3 à 4 milliards de liquidités mais 1,2 milliard d’euros « , précise-t-on. Cette obligation de rachat pourrait donc déjà signifier la mise en faillite de Fortis Holdingà Face à l’insolvabilité de Fortis Holding, l’Etat pourrait donc rester à 100 % actionnaire de la banque.

Soit un résultat bien loin de l’objectif initial des actionnaires minoritaires qui était de doper le cours de Bourse de Fortis Holding. Certains argumentent cependant que l’Etat ne pourra la laisser tomber en faillite.  » L’Etat, avec 100 % de la banque, n’a plus aucun intérêt à investir l’argent du contribuable pour des actionnaires qui sont majoritairement étrangersà « , tranche un interlocuteur privilégié, qui prépare ses arguments pour la négociation.

Un vote négatif, ce 11 et 13 février, signifierait en tout cas que  » la transaction est rejetée mais elle reste cependant valide « , note un observateur. Il faudra donc que le nouveau conseil d’administration de Fortis Holding vote l’annulation de la transaction. Or certains spéculent sur le fait que BNP Paribas pourrait exiger l’exécution forcée du premier accord (moins bénéfique pour les Belges) puisque Fortis Holding s’était engagé envers des tiers, avec l’aval de l’ancien conseil d’administration. Les scénarios sont donc multiples et, quelle qu’en soit l’issue, le suspense restera intense jusqu’au 11 février !

Eva Bansa

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