Flandre-Wallonie : deux terres d’accueil en état de choc

Il est facile d’ironiser sur l’inburgering [Le Vif/L’Express du 13 août] de nos amis flamands et de faire mine que les 7 centres d’intégration wallons résolvent le problème de l’intégration avec 9 fois moins de moyens financiers. Voyons plutôt les résultats. En Flandre, les immigrés parlent néerlandais et s’intègrent à leur société d’accueil sans pour autant renoncer à leurs valeurs et à leurs coutumes : il suffit de se promener à Anvers pour s’en rendre compte. En Wallonie, certains s’intègrent et d’autres pas ; de nombreux immigrés ont été naturalisés belges sans connaître le français ; les ghettos se développent et se referment sur eux-mêmes ; le communautarisme l’emporte sur l’adhésion à la société d’accueil.

Professeur de pédagogie à la retraite, je m’occupe depuis quatre ans d’un cours de français langue étrangère dans diverses ASBL. C’est un désastre. Car l’absentéisme fait des ravages parmi les apprenants. Bon an mal an, il reste en juin un tiers des apprenants inscrits en septembre. Nous avons tout essayé pour les fidéliser, mais, sans incitants  » officiels « , les adultes se découragent rapidement face à un apprentissage difficile. On constate d’ailleurs le même phénomène dans les classes d’adultes belges qui apprennent une autre langue, la musique ou la philosophie.

Les Flamands nous scandalisent avec leur parcours d’intégration civique et leurs coachs chargés d’accompagner les migrants. Pourquoi ? Aurions-nous peur qu’ils appliquent la même stratégie aux francophones installés en Flandre ? Pour ma part, j’ai formé pédagogiquement une douzaine de coachs issus de huit nationalités différentes mais maîtrisant bien le français. En tant que formateurs bénévoles, ils ont enseigné le français à d’autres immigrés pendant un an, deux ans… puis ils ont quitté l’association pour un vrai job. En Flandre, leur travail aurait été reconnu à sa juste valeur et pérennisé. Ici, j’ai essayé de professionnaliser nos coachs en proposant une formation de 300 heures sanctionnée par un brevet pédagogique, mais cela n’intéresse aucun responsable de la Région wallonne ni de la Communauté française. Les ASBL reçoivent des subsides qui leur permettent tout juste de fonctionner, rarement d’engager des formateurs, même à mi-temps.

En conclusion, je dirais que la Région wallonne ne prend pas au sérieux l’intégration des migrants : ses 5,4 millions d’euros (contre 48,6 millions en Flandre…) sont saupoudrés sur une multitude d’ASBL qui manquent souvent de compétences pour réaliser la mission qu’elles se sont attribuée, mais aussi de locaux et de personnel pour accueillir les migrants ; en bout de course, les bénéficiaires de cette action n’atteignent pas les objectifs fixés, soit parce qu’il n’y a plus de place dans les cours de français, soit parce qu’ils abandonnent en cours d’apprentissage. Mais comment vivrons-nous ensemble dans une société multiculturelle si nous ne parlons pas une langue commune ?

Marie-Noëlle Leloup, Verviers (courriel)

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