Fermez les yeux et répétez !

Apprendre une langue sous auto-hypnose ? La technique peut aider l’élève à surmonter certains blocages, mais elle reste coûteuse et difficile à évaluer

Allongé sur un matelas, chaussures ôtées et paupières fermées, complètement détendu, Henri Vanderweerden répète à haute voix ce que son professeur de néerlandais lui a soufflé à l’oreille :  » Welke verbinding moeten we nemen ? Welke verbinding. » Puis Henri traduit :  » Quelle correspondance devons-nous prendre ?  » Le professeur s’assure que son élève a compris la structure de la phrase et poursuit avec une autre un peu plus compliquée.

 » C’est comme un puzzle. A chaque fois, vous apprenez une phrase initiale en la récitant quatre à cinq fois. Ensuite, vous ajoutez progressivement des éléments. Puisqu’il y a répétition des mêmes structures, construire une phrase devient alors de plus en plus simple pour vous « , explique Anne Skrzypek, fondatrice et directrice d’ABEL, une petite école privée de langues, à Bruxelles, qui pratique depuis dix-sept ans une méthode originale d’apprentissage : l’auto-hypnose ou l’autosuggestion volontaire. Actuellement, ce sont en moyenne 60 cours de trois heures qui sont donnés chaque semaine. Avant de pouvoir suivre l’enseignement proprement dit, l’élève doit apprendre, lors d’une première séance spécifique, à se mettre en auto-hypnose, état physiologique analogue à celui du sommeil paradoxal, cette phase pendant laquelle on rêve. Le corps est à ce moment complètement endormi alors que, paradoxalement, le cerveau manifeste l’activité électrique la plus intense. L’auto-hypnose recherche précisément cette activité électrique intense mais, à tout instant, la personne reste consciente. « Nous faisons un conditionnement pour que toutes les énergies soient concentrées sur la mémorisation. Cette technique permet de mémoriser entre 4 et 10 fois plus rapidement que d’habitude, selon la réceptivité de l’élève « , précise Anne Skrzypek. En effet, selon le Dr Eric Mairlot, neuropsychiatre et président de l’Institut de nouvelle hypnose, à Bruxelles, l’auto-hypnose facilite tous les apprentissages, car il s’agit aussi de  » faire partir tous les parasites, tout ce qui dérange, pour permettre à l’étudiant de mieux se concentrer.  » L’objectif de la formation chez ABEL est d’amener l’élève, en 60 heures de cours, à posséder un vocabulaire de 2 000 à 2 500 mots pour entretenir une conversation courante.

Face à cette pratique particulière beaucoup restent sceptiques. Ainsi, Didier Demolin, professeur de linguistique à l’ULB, souligne qu' »il faut un contrôle actif de la langue. Apprendre une langue implique le pouvoir d’écouter, d’observer, de reproduire et, surtout, de comprendre. Il est donc inévitable d’investir du temps et de l’énergie.  » La solution miraculeuse n’existe pas.

« Débloquer » les gens

Autre motif de réticence vis-à-vis de la méthode : son prix. Un stage de 60 heures coûte environ 1 934 euros (78 000 francs). Pour justifier ce montant élevé, la directrice souligne que les cours sont individuels et intensifs. L’enseignant est en général un interprète qui favorise l’élocution spontanée et la conversation. « Souvent nous appliquons cette méthode pour « débloquer » les gens. Mais, il faut aussi travailler », déclare Daniel Vertommen, professeur chez ABEL. La motivation de l’élève est donc essentielle. Et efficace ? Pas toujours. Lors d’un premier test gratuit, l’école refuse à peu près 7 % d’élèves qui, selon la directrice, ne seront pas réceptifs à la méthode.

Pour les autres, il n’y aura, au terme de la formation ni examens ni diplôme. L’évaluation de ce tygpe d’apprentissage ne peut donc reposer que sur la satisfaction subjective de l’élève. Pour Véronique Dekens, qui apprend pour la deuxième fois une langue sous auto-hypnose, cette technique lui a permis d’oser aborder les langues étrangères : « Une fois à l’aise, les mots arrivaient spontanément et inconsciemment. J’étais étonnée de moi-même.  » En fait, selon le Pr Demolin, cette méthode veille surtout à prendre en charge la psychologie de la personne. Or « accorder de l’attention à quelqu’un peut favoriser l’apprentissage », conclut le linguiste.

Uta Neumann

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