La rentrée littéraire devient aussi, de plus en plus, celle des thrillers, polars et autres mauvais genres. Au sein desquels de vraies tendances se dessinent. Revue des troupes et des premiers indispensables.
FEMMES 1 Celle qui brûle
Par Paula Hawkins, Sonatine, 464 p. (parution le 16 septembre)
La rentrée polar sera, comme les précédentes, de plus en plus féminine, avec quelques cadors qui, pour le coup, devraient s’écrire avec un « e »: à leur tête, et en tête de gondole, le nouveau thriller de l’anglaise Paula Hawkins s’offrira une sortie mondiale, toujours portée par le succès hors norme de sa Fille du train. Soit le récit, cette fois, d’un meurtre à Londres aux accents de vengeance et de féminisme, eux aussi dans l’air du temps, porté par trois héroïnes. Mais les autrices à suivre s’appellent aussi Elsa Marpeau, Lisa Sandlin, Cate Quinn ou « notre » Barbara Abel, avec A peine les ombres.
SERIAL 2 Gagner n’est pas jouer
Par Harlan Coben, Belfond Noir, 400 p. (parution le 7 octobre)
Les serials, séries de romans policiers centrés autour d’un personnage (ou d’une brigade, ou d’un commissariat) récurrent, et pierres angulaires du genre, sont également de sortie. Harlan Coben, le plus bankable de tous, innovera un peu avec Gagner n’est pas jouer, qui met en scène le passé de Wim Lockwood, faire-valoir et meilleur ami de Myron Bolitar, son personnage favori. Lee Child, lui, ne quitte pas les rails de son Jack Reacher avec Minuit, dernière limite, 23e (! ) opus du justicier solitaire, deux fois incarné par Tom Cruise. Ne manquez pas non plus la première apparition du superintendant taiwanais Wu dans Le Sniper, son wok et son fusil, de Chang Kuo-Li, appelé à se sérialiser!
TRUE FICTION 3 La Nuit tombée sur nos âmes
Par Frédéric Paulin, Agullo, 288 p. (parution le 9 septembre)
Les fictions noires baignant dans une ambiance de réalité, basées sur des faits divers et des témoignages, vont se multiplier jusqu’à la fin de l’année. Frédéric Paulin, devenu maître dans l’usage de l’histoire récente comme matière première, devrait ainsi faire sensation avec sa Nuit, qui revient à Gênes, en juillet 2001, au coeur des émeutes meurtrières qui éclatèrent en marge du G8. Plus rock’n’roll et sans doute moins littéraire, on sera curieux de lire Ma vie avec Pablo Escobar, récit probablement spectaculaire de l’ex-femme du trafiquant colombien.
À L’EST 4 Inestimable
Par Zygmunt Miloszewski, Fleuve Noir, 496 p.(parution le 14 octobre)
Les romans noirs de l’automne et des années à venir auront un fort accent slave: les pays de l’Est et de l’ancienne URSS sont en train de devenir les nouveaux filons du polar, comme l’ont été il y a dix ans les pays scandinaves. Un vivier encore largement inexploré et dont le Polonais Zygmunt Miloszewski s’affirme comme le chef de file: avec Inestimable, il retrouve les personnages et la noirceur de son plus grand succès, Inavouable. Le premier roman du Russe Alexeï Ivanov, Le Dernier Afghan, sur le parcours d’un militaire devenu braqueur de fourgon, s’annonce lui aussi explosif.
DARK 5 Pandemonium
Par Sylvain Kermici, Les Arènes/Equinox, 240 p.
Les romans noirs se jouant de la morale, des bonnes moeurs et du politiquement correct existent encore. S’il n’est pas à mettre dans toutes les mains, on pointera ainsi le chaotique, crépusculaire et lovercraftien Pandemonium de Sylvain Kermici, qui vient de paraître chez Equinox, et qui transforme un cinéma porno en véritable enfer sur terre (et à Paris). Plus punk, Sabrina Calvo devrait faire sensation avec Melmoth furieux, dans lequel une bande de parias décide de mettre le feu à Eurodisney. Enfin, plus « pulp », l’ Anonyme de chez Sonatine revient avec Santa Mondega: après Dracula, son Bourbon Kid affronte la Grande Faucheuse elle-même.
RÉÉDITION 6 La Ville de plomb
Par Jean Meckert, éd. Joëlle Losfeld, 336 p. (parution le 7 octobre)
Qui dit rentrée et sorties ne dit pas que nouveautés ; les polars, thrillers et mauvais genres sont de grands pourvoyeurs de rééditions, parfois incontournables. Ainsi les oeuvres complètes de Jean Meckert que l’éditeur Joëlle Losfeld se charge de republier, et cette Ville de plomb publiée en 1949, juste avant qu’il n’intègre la Série Noire. Une Série Noire qui ne sera pas en reste, avec la réédition de deux classiques de Raf Vallet, Adieu poulet! et Mort d’un pourri, adaptés en leur temps au cinéma.
BD: SF et girl power
Entre la fin de la trilogie du Dernier Atlas (1)(Dupuis) et le débarquement d’un one shot Goldorak (2) franco-belge d’ores et déjà événement (parution le 15 octobre chez Kana), la rentrée BD sera comme d’habitude trop chargée pour la résumer, mais on peut au moins dire qu’elle sera souvent remplie de robots, de mondes parallèles et de science-fiction – la suite de Negalyod ou d’ Elecboychez Dargaud, par exemple -, souvent d’autrices indépendantes de plus en plus intéressantes. Ainsi d’Emilie Gleason qui s’offre un BDCUL et une Origine du monstre à voir de près chez Les Requins Marteaux ou de Julie Doucet qui fera son retour à L’ Association. Parfois même ces lignes de force convergent ; c’est le cas avec Le Grand Vide de Léa Murawiec (éd. 2024) ou René.e aux bois dormants d’ Elene Usdin (Sarbacane), qui mêle alternatif, fantastique et écriture inclusive.
Beaucoup plus classique mais pas moins incontournable, Ralph Meyer et Xavier Dorison sont déjà au sixième album de leur fantastique western Undertaker (Dargaud). Plus que 58 et ils auront rattrapé Les Tuniques Bleues (parution le 15 octobre chez Dupuis) dont le 64e opus sera aussi le dernier de Raoul Cauvin, tout récemment disparu. Impossible aussi de ne pas pointer la suite du Spirou de Emile Bravo mais aussi ce Madeleine, résistante chez Aire Libre qui voit Dominique Bertail à son sommet, le retour de la paire et perle belge Schuiten/Peeters dans un presque album de BD baptisé Bruxelles (Casterman), ou encore un Corto Maltese (3) par Bastien Vivès (Casterman) que tout le monde attend, que ce soit avec hâte… ou au tournant.