Faut-il renforcer les moyens des services de sécurité ?

L’un est policier de terrain, l’autre juriste. Pour des raisons pratiques, le premier défend les méthodes particulières de recherche accordées à la police. Par prudence, le second met en garde contre leur extension aux services de renseignement.

Les contrôles existent

Les techniques particulières et autres moyens spéciaux de recherche sont-ils indispensables et qu’en est-il de leur contrôle ? Nous pensons qu’elles sont indispensables et ce, pour plusieurs raisons. La criminalité (dont le terrorisme est une forme particulière) a considérablement évolué en matière d’organisation et de moyens de communication. Elle s’est également  » globalisée  » au-delà de toutes les frontières et de toutes les lois. Se priver de ces méthodes, certes plus agressives, reviendrait à perdre le contrôle de nombreuses organisations criminelles de toute nature.

Concernant certaines craintes, il faut savoir que des moyens plus intrusifs permettent d’être plus sélectifs et plus objectifs quant aux incriminations qui seront retenues. Ainsi, une écoute téléphonique où l’on sait précisément ce qui s’est dit permet de mieux mettre en évidence des éléments à charge et à décharge, alors que l’observation simple du trafic téléphonique entrant et sortant d’une personne (technique du  » zoller-malicieux « ) n’autorise que de simples spéculations. Avec cette technique, on a une vue générale sur les contacts téléphoniques de la personne ciblée, mais sans en connaître la nature précise, ce qui peut donner lieu à des interprétations fallacieuses.

Enfin, contrairement à nombre d’idées reçues, qui relèvent du simplisme et/ou du militantisme, les contrôles existent bel et bien, avant, pendant et après l’utilisation des techniques. Dans une grosse unité antiterrorisme, leur gestion représente quasi 80 % de la capacité en personnel. Il faut rappeler que, en droit belge, toutes les procédures sont écrites et que toutes les interceptions  » audio « , vidéo ou autres doivent être retranscrites, ce qui nécessite parfois des traductions à partir de langues de moins en moins familières.

Le policier lui-même est le premier demandeur de contrôles démocratiques. D’abord, parce qu’il n’est pas a priori moins  » démocrate  » que ses détracteurs. Ensuite, parce que des problèmes consécutifs à des vices de forme ou à des abus pourraient réduire à néant, devant un tribunal, des mois ou des années de travail, voire même aboutir à des poursuites envers les fonctionnaires reconnus fautifs. Ces contrôles peuvent toujours être susceptibles de s’améliorer, mais il faut éviter de tomber dans un irréalisme qui rendrait l’accès aux techniques proprement impossible.

Garantir la sûreté des moyens de la sûreté

La question qui se pose n’est pas de savoir s’il faut ou non accorder des moyens accrus aux services de renseignement et de sécurité, mais bien quelles sont les garanties démocratiques à mettre en place lorsque l’on confère des moyens à ces services.

Il faut souligner que si la Cour européenne des droits de l’homme admet des dérogations aux droits fondamentaux, elle le fait en exigeant de strictes garanties pour compenser ces ingérences. La principale de ces garanties est le droit d’avoir recours à un tribunal indépendant et impartial pour examiner d’éventuels abus. Or aucun recours juridictionnel n’est ouvert aux individus. Si l’on sait qu’est prévue la possibilité de placer une caméra dans le domicile d’un citoyen à son insu pour une période de six mois, cette absence de contrôle est inacceptable.

Autre problème majeur : le fait que les définitions des missions des services de renseignement manquent de la précision indispensable pour éviter des atteintes à des libertés aussi fondamentales en démocratie que celles d’association et d’expression. A titre d’exemple, l’une des missions de la Sûreté de l’Etat est de lutter contre l’espionnage. Or ce dernier est défini comme étant  » le recueil ou la livraison d’informations non accessibles au public « . Que fait un journaliste sinon recueillir et livrer des informations non accessibles au public ? La loi permet donc l’application de ces méthodes extrêmement intrusives à des situations qui ne relèvent pas du terrorisme ou de risques quelconques pour la sûreté de l’Etat. Les mêmes craintes existent quant aux libertés syndicales et associatives.

Si la lutte contre le terrorisme est indispensable, il est clair que ces moyens n’auront pas (seulement) pour effet de lutter contre le terrorisme, mais aussi de porter atteinte aux libertés fondamentales.

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