Facture salée pour les communes

Michel Delwiche
Michel Delwiche Journaliste

Les dégâts de l’hiver plombent les budgets  » travaux  » des communes wallonnes, qui pourront difficilement faire face sans rallonge. C’est tout le système d’attribution des subsides qui doit faire l’objet d’une réfection.

Ce long hiver, une vraie catastrophe pour l’état des voiries. Les nids-de-poule se sont creusés et des couches de tarmac se sont soulevées. Le sel a endommagé les matériaux, le gel a fait gonfler les eaux infiltrées dans les fissures qui sont devenues crevasses, le passage des véhicules a fait voler les grenailles dans tous les sens, les caniveaux et les dalles des trottoirs se sont descellés, des affaissements ont creusé le macadamà Et l’hiver n’est pas fini. Dans les communes, les vagues de froid à répétition mobilisent le personnel pour l’épandage. Pour les réparations, même urgentes, on verra plus tard.

A Namur, l’échevine des Travaux publics Patricia Grandchamps (Ecolo) se désole.  » On n’arrivera pas à résorber le retard « , explique-t-elle.

Avant l’hiver, ses services considéraient que 650 des 1 700 rues de l’entité étaient en mauvais état. Un cadastre avait été établi pour définir les priorités : les rues en mauvais état, les rues dangereuses, et les rues très dangereuses.  » Mais la météo a bousculé le classement, explique-t-elle, la situation a clairement empiré, et nous n’en sommes qu’au stade des constatations. L’urgence, ce sont les abords des hôpitaux ou des écoles, les passages des bus, et les portions de rues les plus fréquentées. Mais il n’y a pas de doute, avec le sous-financement chronique de la Ville, on ne pourra pas tout faire, et il restera des rues dangereuses. « 

 » On va devoir vite boucher les trous des rues qui étaient en bon état, précise l’échevine, racler et déposer une nouvelle couche de tarmac sur celles qui n’étaient déjà plus au top, et pour les rues devenues très dangereuses, il faudra une intervention plus lourde, il faudra tout refaire, en profondeur. « 

Mais ce ne sera pas possible. Refaire une rue en profondeur coûte en moyenne, à Namur, de 3 00 000 à 400 000 euros. Le budget voirie pour 2009 est de 5,1 millionsà

 » Nous sommes donc obligés de parer au plus pressé, répète la mandataire Ecolo, nous sommes dans une enveloppe financière fermée, sans possibilité de faire plus. C’est ridicule ! « 

Et ça lui fait mal de devoir laisser tomber la réfection des trottoirs, les aménagements pour les cyclistes ou les personnes à mobilité réduiteà

Le ministre wallon Philippe Courard (PS) a bien annoncé le déblocage d’un budget de 21 millions d’euros, qui seront les bienvenus mais n’y suffiront pas.  » Nous n’avons encore reçu aucune information précise « , déplore Patricia Grandchamps, pour qui, c’est une évidence, il faut revoir de fond en comble la façon dont la Région subsidie les travaux communaux, et surtout en finir avec les plans triennaux et tous ces programmes particuliers lancés par différents ministres, Mercure, PicVert, AirClimat, Escargotà

 » On s’épuise à monter des dossiers, sans même savoir s’ils seront retenus. Il faut simplifier les procédures et établir des critères clairs. La longueur de la voirie communale, par exemple. Namur en compte 1 100 kilomètres, soit 10,9 mètres par habitant, pour 3,3 à Mons, 3 à Charleroi, ou 3,2 à Liège, les autres grandes villes. « 

Pareil pour les coûteuses infrastructures sportives, pour le logement, les bâtiments communauxà Et ce n’est pas anecdotique : les subsides représentent en moyenne 30 % des recettes des communes.

La crainte du clientélisme

Les neuf entités de la Communauté germanophone ont, elles, choisi de verser leur dotation pour les travaux subsidiés dans un fonds, accessible sans devoir attendre le feu vert ministériel. Une clé de répartition a été adoptée : 30 % de base, 20 % en fonction de la longueur de la voirie, et 50 % sur la base de la surface bâtie. Cela permet de voir plus clair, disent les mandataires, de savoir exactement de combien on dispose, et d’ainsi pouvoir faire des prévisions. Pas de dossier à défendre auprès du ministre, pas de ronds de jambe à effectuer, la discussion démocratique a déjà eu lieu.

Ailleurs, le ministre est sollicité et accorde les enveloppes au cas par cas, une procédure qui jette le doute sur l’impartialité de la décision, qui laisse craindre le clientélisme, les faveurs octroyées aux amis politiques. De nombreux députés wallons, censés contrôler le gouvernement, sont aussi bourgmestres ou échevins : même du côté de la majorité, il en est qui en ont assez d’être les obligés, dans ce système malsain.

Mais on est peut-être à un tournant. L’Union des villes et communes de Wallonie, dans laquelle tous les partis sont représentés, plaide pour un système proche du système germanophone, avec la création de fonds particuliers pour les travaux, l’énergie et l’emploi, dans lesquels les communes pourraient puiser, par droits de tirage, pour mener leurs politiques. Sans dénier au gouvernement le droit d’impulser des accents particuliers, mais beaucoup plus à la marge.

Michel Delwiche

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