[EXTRAITS]

Les témoignages de l’époque ont retenu l’importance du rôle joué par les Belges, évêques et théologiens, au Concile Vatican II. Un rôle apparemment sans commune mesure avec les dimensions de notre pays à l’échelle mondiale, voire même avec la situation de notre Eglise dans l’Eglise universelle […].

La squadra belga

Les commentateurs italiens faisaient preuve d’un flair et d’une perspicacité rarement pris en défaut. S’ils se mirent à évoquer une squadra belga à partir de la seconde période du Concile, c’est que cela devait bien correspondre à une réalité. Le terme de squadra n’est pourtant pas dénué d’ambiguïté. Tout d’abord, il évoque irrésistiblement une sorte d’état-major, plus ou moins institutionnalisé et poursuivant systématiquement un plan pré-concerté. Autant dire tout de suite qu’un tel état-major n’exista jamais. La réalité est plus complexe et somme toute plus belle. Un petit groupe d’hommes, ayant chacun une personnalité remarquable, se trouva rassemblé dans une étroite communion au service d’une grande tâche qui exigeait de tous et de chacun un dépassement vers le meilleur d’eux-mêmes. Une tâche que tous, dans leur foi chrétienne et catholique, regardaient comme inspirée en définitive par l’Esprit de Dieu, au moins pour ses orientations et ses buts essentiels. Les Belges, évêques et théologiens, croyaient au Concile. Et ils n’épargnèrent ni leur temps, ni leur peine, pour une issue heureuse du grand projet de Jean XXIII […].

Mgr Philips s’épuise à la tâche

Tous ceux qui ont pris part au Concile savent le rôle vraiment extraordinaire joué par celui-ci à Vatican II, rôle qui, pour une bonne part, reste cependant ignoré du public. La modestie de l’homme explique d’ailleurs partiellement cette relative méconnaissance. On retient le plus souvent qu’il fut secrétaire adjoint de la Commission doctrinale, auteur principal et rapporteur du schéma Lumen gentium, et qu’il collabora à d’autres textes. En fait, il rédigea également une bonne part du schéma sur la Révélation et défendit ce texte devant la Commission. Il recommença jusqu’à dix-sept fois certains passages du schéma sur l’apostolat des laïcs. Il traduisit en latin le texte français de Mgr Haubtmann pour la première partie de Gaudium et spes et il assura commentaire et défense du schéma devant la Commission mixte (doctrinale et apostolat des laïcs) jusqu’à ce que l’épuisement et l’infarctus le contraignirent à quitter Rome et à rentrer en Belgique […].

On pavoise au Collège belge

Et le pape permit enfin que les cinq propositions soient présentées à l’Aula le 29 octobre,  » non pas sous sa responsabilité mais sous celle du cardinal Suenens et des autres modérateurs « . Paul VI entendait réserver par là sa liberté d’appréciation sur le fond. On sait que le résultat du scrutin dépassa toutes les espérances. La Majorité se trouva enfin. Et bien des évêques eurent le sentiment que le Concile avait trouvé son orientation définitive. Faut-il ajouter que ce jour-là on pavoisa au Collège belge ! […].

Parmi les autres interventions  » générales  » du cardinal Suenens, il faut mentionner l’éloge de Jean XXIII à l’assemblée, éloge qu’il prononça le 28 octobre 1963 et qui rappelait l’esprit du Concile et exprimait toutes les espérances placées dans le successeur pour une heureuse conclusion. Enfin, le cardinal de Malines s’employa avec ténacité à faire admettre les auditeurs laïcs à l’assemblée – c’est lui qui signa la demande de M. Guitton (NDLR : intellectuel français appelé à intervenir dans le débat sur l’oecuménisme) d’être inscrit au nombre des experts – et à faire accorder la parole à Pat Keegan (NDLR : expert britannique chargé de l’intervention sur l’apostolat des laïcs). Il lutta également pour l’introduction des auditrices.

Suenens et les reliques de saint Pierre

L’intervention du cardinal au sujet des problèmes de la natalité, au cours de laquelle il donna l’impression de réclamer pour le Concile le droit de discuter une matière que le pape s’était réservée, fut aussi une circonstance majeure […].

Dans un autre domaine, Suenens intervint avec insistance pour faire renoncer Paul VI à son projet d’une recognitio solennelle des reliques de saint Pierre à la clôture du Concile. Le pape en effet avait été pratiquement convaincu par la D. ssa Guarducci (NDLR : première femme à avoir dirigé les fouilles dans la nécropole du Vatican) que le coffret retrouvé dans les fondations de la chapelle de la Confession contenait les ossements authentiques de l’apôtre. Le cardinal fit valoir à Paul VI les arguments contraires d’un autre Belge, Mgr Ruysschaert, vice-préfet de la Bibliothèque Vaticane […].

Mgr De Smedt, un ténor dans l’assemblée

Enfin, étant donné l’influence du Secrétariat pour l’Unité dans la dynamique du Concile, on n’oubliera pas le rôle de Mgr De Smedt, qui s’inscrivit parmi les ténors de l’assemblée. Il se classa aussi au premier rang des orateurs qui surent émouvoir leurs confrères et, quand il le fallait, électriser la  » majorité « . Rappelons sa fameuse dénonciation du  » triomphalisme « , du  » cléricalisme  » et du  » juridisme  » dans le schéma préparatoire De Ecclesia (1er décembre 1962) et ses diverses déclarations à propos de la  » liberté religieuse « . Il écrivit aussi au pape Paul VI pour lui dire sa déception après la décision prise en novembre 1964 de renvoyer à la quatrième période le vote du texte sur  » la liberté religieuse « .

NB : Les intertitres sont de la rédaction.

Contribution d’Albert Prignon dans Vatican II et la Belgique, ouvrage publié sous la direction de Claude Soetens et réédité aux Presses universitaires de Louvain, 336 p.

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