Démontrer à un juge que l'on est persécuté, un défi et une épreuve pour le candidat réfugié. © Gekiere/photo news

Exilés : comment dire la souffrance ?

Des responsables politiques qui débattent de façon si désincarnée des migrants devraient arrêter de s’invectiver quelques heures pour lire Croire à l’incroyable (Gallimard, 186 p.) de Smaïn Laacher. Le sociologue a été pendant quatorze ans juge assesseur auprès de la Cour nationale du droit d’asile en France, l’équivalent du Conseil du contentieux des étrangers en Belgique, l’institution chargée d’examiner les recours des candidats réfugiés déboutés en première instance par, en l’occurrence, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Il y siégeait, au sein d’un trio composé d’un magistrat et de deux assesseurs, comme représentant désigné sur recommandation du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Il a pu y mesurer le fossé qui prévaut entre le juge, habité par une défiance naturelle, et le requérant, intimidé par le décorum et la procédure.  » Dire les malheurs de sa vie et les rendre dicibles puis, dans le même mouvement, les rendre audibles aux juges (…) selon leurs propres représentations du monde sans jamais s’écarter des impératifs écrits dans le Convention de Genève de 1951, représentent toute la performance intellectuelle que doit réaliser le demandeur d’asile.  »  » Combien d’aspects de la biographie d’un requérant m’était-il impossible de comprendre ou même de connaître « , confesse l’auteur. Une compréhension plus compliquée encore face à des candidates réfugiées déjà peu enclines à s’exprimer dans leur société d’origine et souvent traumatisées par des violences sexuelles subies lors de leur exode. C’est le lot, somme toute, de tous les exilés :  » Etranger chez soi avant d’être étranger chez les autres « .

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