Chez les adolescents plus âgés qui souffrent de céphalées chroniques, l'objectif premier n'est pas d'apaiser la douleur : nous utiliserons alors, comme chez l'adulte, une thérapie d'acceptation et d'engagement - une forme de thérapie comportementale qui vise à aider ces jeunes à mener une vie aussi satisfaisante que possible malgré leurs symptômes. © istock

Éviter le cercle vicieux

Environ un jeune sur huit est confronté à des douleurs chroniques qui ont un impact bien réel sur sa vie quotidienne. Une approche multidisciplinaire serait souhaitable dans bien des cas, mais il n’existe malheureusement pas encore de soins organisés pour ce groupe de patients.

La douleur chronique a un impact modéré à sévère sur le fonctionnement quotidien chez environ un jeune qui en souffre sur sept, au point que certains peuvent manquer des jours d’école ou évitent les activités extrascolaires et voient donc se détériorer leurs rapports sociaux et leurs liens d’amitié. C’est ce qu’il ressort d’une étude réalisée par la faculté de psychologie de l’université de Gand auprès de plus de 10.000 enfants et adolescents.  » On parlera de douleurs chroniques lorsque les plaintes persistent pendant au moins trois mois. Les céphalées, maux de ventre et lombalgies sont les formes les plus courantes « , précise Eline Van Hoecke, spécialiste en psychologie de l’enfant et de l’adolescent et coordinatrice de l’unité de psychologie médicale des enfants et des jeunes à l’hôpital universitaire de Gand.

On parlera de douleurs chroniques lorsque les plaintes persistent pendant au moins trois mois. » Eline Van Hoecke, psychologUE DE L’ENFANCE ET de l’adolescenCE UZ Gent

Écouter avant tout

Commençons par un bon conseil à l’intention des parents : si votre enfant se plaint d’avoir mal, évitez de dramatiser d’emblée.  » Écoutez-le et essayez d’évaluer le problème. Une crise d’appendicite ou autre infection sérieuse du système digestif imposera évidemment une intervention aiguë. Si votre enfant vient de subir une infection ou une opération ou qu’il souffre d’une maladie telle que la polyarthrite rhumatoïde, il peut toutefois aussi arriver qu’une douleur aiguë se chronicise – un phénomène étroitement lié au fonctionnement de notre système nerveux central, qui peut développer une hypersensibilité sous l’effet de la douleur et se mettre à produire lui-même des signaux douloureux. Lorsqu’il n’y a pas de cause physique apparente et que l’intensité des plaintes reste limitée, mieux vaut attendre et voir. Souvenez-vous aussi que ‘J’ai mal au ventre’ peut parfois vouloir dire ‘Je n’ai pas envie d’aller à l’école’ parce qu’il s’y est passé quelque chose. En courant immédiatement voir un médecin et en focalisant toute son attention sur la plainte, on risque de générer un cercle vicieux.  »

Une approche multidisciplinaire

Le médecin de famille est souvent le premier professionnel que les parents consultent lorsque leur enfant se plaint de douleurs. Un traitement médicamenteux pourra être indiqué dans certaines douleurs chroniques bien spécifiques (neuropathiques, par exemple), mais il n’est pas rare qu’aucune cause ne puisse être identifiée, même après divers examens médicaux. Une douleur peut donc être présente même en l’absence de lésion ou maladie physique.  » Il arrive que le généraliste renvoie les patients en leur disant qu’il ne peut rien faire contre un problème qui n’existe pas, ou que ‘c’est dans la tête’. Ceci peut toutefois entraîner des émotions négatives qui ne favoriseront absolument pas la guérison, souligne Eline Van Hoecke. Mieux vaut donc se tourner vers une autre forme d’aide. Chez les enfants comme chez leurs ainés, il est important d’aborder la douleur chronique en s’appuyant sur un modèle biopsychosocial. La douleur est un problème complexe qui, outre des facteurs physiques, fait également intervenir des éléments psychologiques et sociaux. Son diagnostic et son traitement nécessitent donc une approche multidisciplinaire.  »

Les céphalées, maux de ventre et lombalgies sont les formes les plus courantes  de douleurs chroniques.
Les céphalées, maux de ventre et lombalgies sont les formes les plus courantes de douleurs chroniques.© istock

Or c’est là que le bât blesse : s’il existe déjà dans notre pays des cliniques de la douleur pour les patients adultes, il n’y a en effet pas ou guère de soins organisés pour les jeunes victimes de douleurs chroniques.  » C’est d’autant plus dommage qu’il existe d’excellentes possibilités thérapeutiques, souligne Eline Van Hoecke. Au sein d’une clinique de la douleur spécifiquement axée sur les enfants, plusieurs prestataires de soins – pédiatres, psychologues, kinés – pourraient d’emblée examiner ensemble quelle est la meilleure trajectoire de soins pour un patient donné. De quoi épargner aux parents et aux petits patients une ronde des spécialistes individuels qui s’avère souvent particulièrement frustrante, sans compter que cela revient aussi moins cher à la collectivité.  »

Une douleur peut être présente même en l’absence de lésion ou maladie physique.

Aux États-Unis, en Allemagne, en Suède et au Royaume-Uni, les autorités sont déjà convaincues du bien-fondé d’une telle approche ; chez nous, il n’y a guère que le Zeepreventorium du Coq qui propose un vrai plan de soins pour les enfants souffrant de douleurs chroniques.  » Ils peuvent même y bénéficier d’une prise en charge résidentielle lorsque les soins ambulatoires s’avèrent insuffisants « , précise la psychologue.

Hypnose médicale

À l’hôpital universitaire de Gand, les enfants victimes de maux de ventre ou de maux de tête chroniques sont renvoyés chez un psychologue au départ des services de gastro-entérologie et de neurologie pédiatriques. Les premiers se rencontrent principalement à l’âge de l’école primaire, les seconds chez des (pré-)adolescents et en particulier chez les filles.  » En sus des facteurs psychologiques, il est possible que des facteurs hormonaux aient également un rôle à jouer, mais nous n’en sommes pas certains « , précise Eline Van Hoecke.

La douleur est un problème complexe qui, outre des facteurs physiques, fait également intervenir des éléments psychologiques et sociaux.
La douleur est un problème complexe qui, outre des facteurs physiques, fait également intervenir des éléments psychologiques et sociaux.© istock

Après quelques échanges avec les parents et l’enfant, notamment autour de l’intensité et des conséquences de la douleur, une trajectoire de prise en charge individualisée est mise au point.  » L’hypnose médicale est souvent utile, en particulier dans les maux de ventre chroniques, car elle peut affaiblir voire faire complètement disparaître les stimuli douloureux dans le cerveau. Les premières séances se déroulent ici, après quoi le patient peut continuer la thérapie à la maison au travers d’exercices sur smartphone. Sa durée sera souvent proportionnelle à celle de la douleur : plus les plaintes sont présentes depuis longtemps, plus il faudra de temps pour s’en défaire par la suite. Chez les adolescents plus âgés qui souffrent de céphalées chroniques, l’objectif premier n’est pas d’apaiser la douleur : nous utiliserons alors, comme chez l’adulte, une thérapie d’acceptation et d’engagement – une forme de thérapie comportementale qui vise à aider ces jeunes à mener une vie aussi satisfaisante que possible malgré leurs symptômes. « 

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