Etranger Réparer les dégâts

Effacer les séquelles désastreuses de l’administration Bush, en particulier au Proche-Orient, ne suffira pas. Obama devra rebâtir l’image de la super-puissance américaine. Et tracer des voies pour l’avenir.

La politique étrangère de l’administration Obama devrait refléter un visage plus avenant de l’Amérique : le président élu veut négocier avec les ennemis de Washington, à Téhéran et ailleurs. Non par naïveté, mais parce qu’il adhère à la définition de Henry Kissinger, secrétaire d’Etat des présidents Nixon et Ford :  » La diplomatie, c’est l’art de restreindre le pouvoir de l’autre.  » Obama veut encourager aussi l’aide au développement. Mais il hérite des erreurs passées, alors que s’aggrave le chaos au Proche-Orient et en Afghanistan. Le départ de George W. Bush du bureau Ovale devrait permettre, à lui seul, de raffermir l’autorité des Etats-Unis dans le monde. Mais la marge de man£uvre de son successeur reste étroite.

Proche-Orient

Fin juillet, dans le sud d’Israël, campé devant un tas de missiles palestiniens rassemblés devant un poste de police à Sderot, non loin de Gaza, Barack Obama a cru bon d’ouvrir son c£ur :  » Si l’on envoyait des roquettes sur la maison où dorment mes filles, tonnait-il, je ferais tout pour l’arrêter ! Et j’attendrais des Israéliens qu’ils en fassent autant.  » Un mois plus tôt, invité d’honneur de l’Aipac, le lobby pro-israélien de Washington, il avait rappelé son  » engagement inébranlable envers la sécurité d’Israël  » et le droit du pays  » à se défendre contre toutes les menaces, qu’elles viennent de Gaza ou de Téhéran « .

 » Il a donné des garanties à Israël, mais il est l’un des défenseurs les plus ardents d’une solution  »à deux Etats » « , souligne Joseph Nye, professeur à l’université Harvard et inventeur, en 1990, du concept de soft power, ce mélange de rayonnement et de séduction. Confirmant son engagement sur ce terrain, Obama a précisé, le 11 janvier sur la chaîne de télévision ABC, que son équipe disposerait, dès son investiture,  » des meilleures personnes possibles qui pourront s’engager immédiatement dans le processus de paix au Proche-Orient dans son ensemble « .

Le président élu n’ignore rien de la complexité de la question. Il a renvoyé le Hamas à ses responsabilités et s’apprête à dépêcher dans la région la future secrétaire d’Etat Hillary Clinton, appréciée des Israéliens.  » L’Amérique doit prouver qu’elle est capable d’écouter, confie Scott Lasensky, chercheur à l’United States Institute of Peace. Surtout, l’équipe du nouveau président s’est promis d’approcher, de front, les nombreuses questions « interconnectées » du Moyen-Orient.  » Les négociations entre Israël et la Syrie, leurs conséquences sur l’influence de l’Iran dans la région…

Iran

Longtemps critiqué par Hillary Clinton pour avoir paru favorable à un dialogue avec Téhéran, Obama arrive au pouvoir en position de force pour des négociations : les pressions internationales, la chute des revenus pétroliers et l’échéance des élections iraniennes en juin offrent un contexte favorable. La nomination au département d’Etat de Clinton, réputée moins flexible que son patron, inquiète aussi Téhéran.

Irak

Le départ d’Irak des troupes américaines est prévu en principe avant la fin de 2011 : le général David Petraeus, patron du commandement central américain, met en £uvre le transfert des troupes déployées dans les zones les plus calmes du pays vers le front afghan et la reconversion des forces restantes, chargées de l’entraînement de l’armée irakienne. Cela mène à un optimisme que certains jugeront excessif :  » L’ère Bush s’est caractérisée par la libération et par la sécurité, commente, à Washington, le conseiller irakien à la Sécurité nationale Mouaffak al-Roubaïe. L’ère d’Obama devrait inaugurer une relation stratégique plus complète, dans tous les domaines – économique, culturel, scientifique et religieux. Afin de garantir l’ancrage occidental de notre pays. « 

Afghanistan

Pour Obama, d’emblée hostile à l’aventure irakienne, l’Afghanistan est la  » bonne guerre « . A mesure que se dépeuple le front d’Irak, le nombre de soldats américains déployés contre les talibans – 31 000 GI aujourd’hui – pourrait doubler dans les dix-huit mois. Avec quels résultats ? Malgré les renforts déjà en place, les talibans ont repris l’offensive et étendu leur contrôle jusqu’aux portes de Kaboul. En dépit de la primauté donnée à la solution militaire, la future administration envisage des tractations avec les éléments les plus  » modérés  » de la mouvance talibane. Sans illusions. Les nombreuses victimes civiles dues aux pilonnages américains ont anéanti, aux yeux de la population, l’effet positif des réparations d’infrastructures et de l’aide économique.

Guantanamo

Le  » goulag  » américain ne sera pas fermé dans les cent premiers jours de la nouvelle présidence, contrairement à ce qui avait été promis. Les quelque 250 détenus encore présents dans la base cubaine doivent pour la plupart être transférés dans leurs pays d’origine, en particulier au Yémen, dont Washington peine à obtenir des garanties de contrôle et de surveillance sur ces membres présumés d’Al-Qaeda. Une dizaine de prisonniers  » importants  » devraient comparaître devant des cours fédérales américaines. Et plusieurs d’entre eux pourraient être libérés, compte tenu des vices de forme qui émaillent leurs inculpations, souvent obtenues par des aveux sous la torture.

Europe

Les Européens attendent avec inquiétude les inévitables demandes de renforts en Afghanistan, mais ils comptent aussi sur Barack Obama pour rompre avec l’approche unilatéraliste de l’administration Bush. Reste aussi à améliorer le dialogue avec Moscou, ulcéré par l’installation annoncée de missiles américains en Europe centrale. l

P. C.

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