:-) @, etc. : les électrons libres

Le Vif/L’Express raconte l’histoire de ces signes qui ont changé la face de l’écriture.

Qui n’a fait l’expérience des malentendus du courrier électronique ? Des propos anodins, confiés à la typographie, deviennent, aussitôt envoyés, autant d’impertinences. Sans intonation ni gestuelle, la transcription brute du langage parlé est périlleuse. Echaudé, on redécouvre la distance entre l’oral et l’écrit, et ces médiations qui passent par la mise en page, la ponctuation, les formules de politesse, les précautions de rédaction. Si l’on a une âme d’adolescent, la solution de facilité consiste à ponctuer ses phrases de smileys (émoticônes ou  » binettes « ). Le 19 septembre 1982, l’informaticien Scott Fahlman, de l’université Carnegie Mellon, propose d’utiliser les deux faces 🙂 et 🙁 afin d’éviter des malentendus dans le courrier électronique, des messages banals étant déjà perçus comme agressifs. On les appela smileys par analogie avec la pastille jaune souriante née en 1963 et popularisée dans les années 1970. Clin d’£il 😉 ou froncement }:-(à les variantes sont légion. Un quart des écoliers américains se servent de ces signes dans leurs copies.

Ces binettes ne seraient pas si éloignées de la ponctuation expressive (points d’exclamation, de suspension) si leur évidence pictographique immédiate ne les privait de la polysémie que confère aux anciens signes leur caractère abstrait : un symbole polyvalent est moins limité qu’un dessin.

Par-delà la ponctuation, les supports actuels participent à la survie de symboles graphiques de la haute Antiquité. Le traitement de texte ressuscite le pied de mouche ( ), né au xiie siècle de la déformation du C de capitulum (chapitre), barré verticalement, à la façon des initiales d’alors. Les adresses Internet combinent slash et points, comme on combinait au xiiie siècle point et virgula suspensiva (/). Même le double slash (//) tenait lieu de séparation forte au Moyen Age. L’astérisque, inventé par Aristarque de Samothrace (- 220) pour signaler une omission, survit aussi bien dans l’astéronyme d’un personnage de roman classique (la marquise de C**, le baron de B**à) que sur Internet : troncature (remplaçant un mot inconnu) ou substitut de caractères gras ou italiques (*ravi* devient ravi). Sans oublier l’astérisque des affiches du métro, renvoyant à une note nuançant les tarifs étalés en caractères colossauxà

Pedro Uribe Echeverria

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