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Et si c’était à cause de l’Évolution ?

Les bébés pleurent beaucoup, les jeunes enfants sont têtus, les ados aiment prendre des risques… Mais d’où viennent finalement ces particularités des différentes phases de l’enfance ? D’après les tenants de la psychologie évolutionnaire, c’est parfois dans la longue histoire de l’humanité ou même de ses lointains ancêtres qu’il faut aller chercher la réponse.

Diplômée en psychologie du développement, Annemie Ploeger s’est retrouvée complètement larguée à l’arrivée de ses propres enfants : dans la pratique, ses connaissances théoriques se sont en effet avérées à peu près inutiles. Au fil de sa quête de réponses, elle s’est peu à peu passionnée pour la psychologie évolutionnaire.  » Ce n’est que très récemment dans son histoire que l’humanité a adopté son mode de vie actuel, urbain, avec ses voitures, ses écoles et ses appareils de toutes sortes. Même l’agriculture remonte à moins de dix mille ans ! Avant, nos ancêtres vivaient en communautés de chasseurs-cueilleurs dans un environnement de savane, ce qui m’a amenée à me demander dans quelle mesure certains comportements observés chez l’enfant découlent de l’adaptation de nos prédécesseurs à leur environnement.  »

Des comportements qui semblent néfastes de prime abord peuvent en réalité présenter des avantages, fût-ce parfois à beaucoup plus long terme.u0022 Annemie Ploeger, psycholoGUE

Aujourd’hui psychologue de l’évolution et du développement à l’université d’Amsterdam, Annemie Ploeger est convaincue que cette perspective évolutionnaire peut nous aider à mieux comprendre les plus jeunes.  » J’ai découvert qu’une foule de particularités observées au cours de l’enfance ont une fonction dans le développement et que des comportements qui semblent néfastes de prime abord peuvent en réalité présenter des avantages, fût-ce parfois à beaucoup plus long terme.  »

Pourquoi les bébés pleurent-ils ?

Les pleurs des bébés avaient ainsi bel et bien une fonction pour nos lointains ancêtres, puisqu’ils signalaient aux adultes qu’un nourrisson était seul et sans défense. Dans le contexte d’une mortalité infantile extrêmement élevée et d’un environnement rempli de dangers, ceux-ci s’efforçaient en effet autant que possible de garder leurs petits près d’eux… Lorsque d’aventure un bébé se retrouvait soudain seul, il sonnait l’alerte en se mettant à pleurer. Dans la mesure où ses cris risquaient évidemment aussi d’attirer les prédateurs, la réaction se devait d’être immédiate : en quelques secondes, un adulte venait le prendre et l’apaiser.

 » Aujourd’hui, notre mode de vie a bien changé, poursuit la spécialiste. Les tout-petits sont désormais relégués dans un berceau dans leur propre chambre, dans un parc ou dans un landau. Là, ils se mettent rapidement à émettre un bruyant signal d’alarme, puisqu’ils n’ont pas conscience que, dans notre monde occidental, ils sont seuls mais en sécurité. Des recherches ont par ailleurs démontré que si on le porte dans les bras pendant au moins deux heures par jour lorsqu’il est paisible, un nouveau-né passera 43 % de temps en moins à pleurer. Dormir avec lui aussi peut être une solution pour apaiser ses cris : en le gardant près de vous pendant la nuit, fût-ce dans un berceau séparé, vous recréerez une situation plus proche de celle de nos lointains ancêtres, qui dormaient avec leurs jeunes pour des raisons de sécurité.  »

Des jeunes enfants colériques

Votre petit ange de deux ans se jette par terre en hurlant au beau milieu du supermarché parce que vous lui refusez un bonbon ou fait des siennes quand vous essayez de lui enfiler son pull ou ses chaussettes ? Il n’est pas le seul ! Environ 90 % des jeunes enfants font au moins une crise de colère extrême chaque jour. Partout dans le monde et dans toutes les sociétés et cultures, l’âge de deux ans marque le début d’une période où ils deviennent têtus et récalcitrants. Cette phase aussi a-t-elle une fonction ?  » Forcément, estime Annemie Ploeger. S’il n’avait présenté que des désavantages – comme se mettre en danger en attirant les prédateurs – ce comportement aurait disparu depuis longtemps. L’avantage pour l’enfant est que cette phase marque une première étape vers l’indépendance : il renforce le sentiment d’autonomie, est bénéfique au développement de l’identité et permet au petit d’explorer ses limites (et celles des autres). Il peut être utile de considérer les choses sous cet angle plutôt que d’y voir un phénomène avant tout négatif à réprimer.  »

D’où vient l’empathie ?

Si les plus jeunes sont encore largement égocentriques, ils développent ensuite vers l’âge de quatre ans une faculté baptisée théorie de l’esprit. Ils apprennent alors à se mettre à la place des autres et découvrent que ceux qui les entourent ont parfois d’autres émotions et intentions qu’eux-mêmes. Cela les rend généralement plus faciles à vivre, parce qu’il devient possible de les confronter à leurs propres comportements.  » Il s’agit d’une évolution spontanée qui survient sans l’intervention des parents et qui présente un grand avantage sur le plan évolutionnaire : mieux comprendre les autres permet aussi de mieux collaborer, ce qui peut déboucher sur des inventions et des innovations qui, in fine, se solderont par une amélioration des conditions de vie.  »

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