Charles Michel, président du Conseil européen : après Herman Van Rompuy (2010-2014), il devient le deuxième Belge à occuper ce poste qui n'a connu que trois titulaires. © THIERRY ROGE/belgaimage

Et à la fin, c’est un Belge qui gagne

L’image de l’Union ne sort pas grandie du psychodrame autour des nominations aux top jobs. Un geste fort tout de même : des femmes décrochent deux des plus hauts postes. Et, pour la deuxième fois en dix ans, un Belge, Charles Michel, se voit confier la présidence du Conseil.

Quel casse-tête ! Les dirigeants européens ont peiné à se mettre d’accord sur les nominations aux top jobs, les plus hautes fonctions des institutions communes. Alors que s’annonce pour l’Union une longue période d’incertitudes liée à la crise du Brexit et que les forces populistes europhobes progressent, les Vingt-Huit ont étalé leurs divergences lors de trois sommets extraordinaires dont l’un, le dernier, s’est prolongé ces 1er et 2 juillet.  » Et pour cause, confie un diplomate : un compromis acceptable passe désormais par un accord entre trois grandes familles politiques au lieu de deux.  » Conservateurs et socialistes, restés les deux principaux groupes au Parlement européen, mais en perte de vitesse, doivent s’entendre avec les libéraux, appelés à faire partie de la majorité. A cette nouvelle donne s’ajoute la résistance de plus en plus vive de pays d’Europe centrale aux arrangements concoctés par le  » moteur  » franco-allemand de l’Union.

Entourant Josep Borrell, Haut-représentant pour la politique étrangère, Ursula von der Leyen, présidente  de la Commission européenne, et Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne :  pour la première fois dans l'histoire de l'Union, des femmes ont été désignées à ces fonctions de haut niveau.
Entourant Josep Borrell, Haut-représentant pour la politique étrangère, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne : pour la première fois dans l’histoire de l’Union, des femmes ont été désignées à ces fonctions de haut niveau.© Christian Charisius/belgaimage

Des négociations commencées au lendemain des élections européennes, on retiendra la difficulté de concilier, lors de la répartition des postes-clés, l’approche du Conseil et celle des groupes politiques européens. Le compromis entre chefs d’Etat et de gouvernement passe par un savant dosage politique, national et géographique, tandis que la logique des groupes tient au respect de la procédure des spitzenkandidaten, qui veut que les principales familles politiques choisissent leur candidat pour la présidence de la Commission. Un combat en quatre rounds.

Premier round

Deux jours après le résultat des élections européennes de la fin mai, la droite conservatrice (PPE) a campé sur ses positions affichées pendant la campagne. Pour le poste de président de la Commission, fonction la plus convoitée, elle a défendu bec et ongles son candidat officiel, Manfred Weber, issu de la très conservatrice CSU, la branche bavaroise de la CDU d’Angela Merkel. Le PPE fait valoir qu’il reste le groupe politique le plus puissant du Parlement, avec 182 sièges dans l’hémicycle (pour 153 aux socialistes et 108 aux libéraux- centristes-macronistes). Mais Weber a été étrillé par Emmanuel Macron, qui le juge trop peu expérimenté pour présider la Commission. Il n’a jamais été Premier ministre, ni même ministre, ne parle pas français et son anglais est sommaire. Des handicaps rédhibitoires pour occuper la fonction de président de la Commission européenne, selon la plupart des Etats membres. Du coup, les socialistes ont voulu croire aux chances de leur propre poulain, le Néerlandais Frans Timmermans, commissaire sortant, polyglotte, au CV bien plus solide que celui de Weber. Cependant, Timmermans n’a pas vraiment brillé dans la Commission Juncker : il a été marginalisé par Martin Selmayr, le tout puissant ex-chef de cabinet du président.

Deuxième round

Le 20 juin, on apprend que les eurodéputés socialistes et les libéraux se sont mis d’accord pour rejeter la candidature de leur collègue bavarois Manfred Weber. Ce soir-là, au dîner bruxellois des chefs d’Etat et de gouvernement, Donald Tusk, président du Conseil, constate qu’aucun des candidats  » tête de liste  » n’obtient de majorité, ni au Conseil, ni au Parlement. Angela Merkel fait le même constat, reconnaissance implicite que son compatriote Weber est hors-jeu. La chancelière est affaiblie : sa GroKo, la coalition gouvernementale CDU/CSU-SPD, ne tient qu’à un fil et n’a pas adopté une position commune en faveur du candidat allemand Weber. Macron jubile : selon lui, la procédure du spitzenkandidat, instaurée en 2014 afin de renforcer le pouvoir du Parlement européen face au Conseil, est invalidée pour de bon.

Entourant Josep Borrell, Haut-représentant pour la politique étrangère, Ursula von der Leyen, présidente  de la Commission européenne, et Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne :  pour la première fois dans l'histoire de l'Union, des femmes ont été désignées à ces fonctions de haut niveau.
Entourant Josep Borrell, Haut-représentant pour la politique étrangère, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne : pour la première fois dans l’histoire de l’Union, des femmes ont été désignées à ces fonctions de haut niveau.© JURE MAKOVEC/belgaimage

Troisième round

En marge du sommet du G20 à Osaka, Angela Merkel et Emmanuel Macron élaborent, avec les Premiers ministres espagnol Pedro Sanchez et néerlandais Mark Rutte, une proposition de compromis : Frans Timmermans, candidat des sociaux-démocrates, prendrait la tête de la Commission. En échange de son désistement, Manfred Weber réclame, lors d’un dîner organisé le 26 juin à Berlin par Merkel, la présidence du Parlement. Mais avant même l’entame du sommet du 30 juin, le deal passé au Japon est torpillé au sein même du PPE. L’idée que la présidence de la Commission, poste-phare des top jobs européens, revienne à un socialiste alors que le PPE demeure la première formation du Parlement européen reste en travers de la gorge de la plupart des Premiers ministres conservateurs. L’Italie, qui avait approuvé l’accord à Osaka, décide de s’abstenir et les dirigeants de l’Europe de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie), le Hongrois Viktor Orban en tête, s’opposent à la nomination du socialiste. Et pour cause : le commissaire néerlandais a lancé des procédures pour violation de l’Etat de droit à l’encontre de la Hongrie et de la Pologne. La bronca du PPE met en évidence la perte d’influence de Merkel au sein de sa famille politique européenne.

Quatrième round

Dès le soir du 1er juillet, en marge du sommet européen de crise, Emmanuel Macron propose à Angela Merkel un casting féminin pour la présidence de la Commission et celle de la Banque centrale européenne. Le lendemain, ils proposent de placer à la tête de l’exécutif européen Ursula von der Leyen, la ministre allemande de la Défense, et à la présidence de la BCE Christine Lagarde, actuelle présidente du Fonds monétaire international. Née en Belgique (Ixelles) dans une grande famille aristocratique, l’Allemande, 60 ans, mère de sept enfants, est une CDU modérée, proche de Merkel, et elle parle parfaitement le français et l’anglais. Sa nomination, soutenue par les quatre pays de Visegrad, permet de calmer le mécontentement des conservateurs allemands.

Entourant Josep Borrell, Haut-représentant pour la politique étrangère, Ursula von der Leyen, présidente  de la Commission européenne, et Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne :  pour la première fois dans l'histoire de l'Union, des femmes ont été désignées à ces fonctions de haut niveau.
Entourant Josep Borrell, Haut-représentant pour la politique étrangère, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne : pour la première fois dans l’histoire de l’Union, des femmes ont été désignées à ces fonctions de haut niveau.© SAUL LOEB/belgaimage

Dans la foulée, un libéral, Charles Michel, est choisi pour la présidence du Conseil, en remplacement de Donald Tusk, dont le mandat s’achève fin novembre. Le Premier ministre en sursis était pressenti depuis plusieurs jours pour ce poste, et cela malgré le fait que la Belgique a déjà piloté l’institution de 2010 à 2014, avec Herman Van Rompuy. Privés in extremis de la présidence de la Commission, les socialistes obtiennent deux lots de consolation : l’Espagnol Josep Borrell devient chef de la diplomatie européenne et l’ancien Premier ministre bulgare Sergueï Stanichev monte au perchoir du Parlement européen pour deux ans et demi, avant son remplacement par un PPE. Deux femmes propulsées à des postes de pouvoir clés de l’Union, voilà au moins un objectif atteint par les dirigeants de l’Union, qui compense un peu la mauvaise image laissée par les bisbrouilles internes.

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