Escapades londoniennes

Guy Gilsoul Journaliste

Et au moins trois bonnes raisons de prendre l’Eurostar : des pièces époustouflantes pour faire revivre les Ballets russes, d’autres venues des collections de peintures du musée de Budapest ou encore des prêts américains pour une approche originale de l’ouvre de Gauguin.

Chefs-d’£uvre du musée des Beaux-Arts de Budapest

C’est bien à Londres, entre 1818 et 1821, que le Hongrois Pal Esterhazy acquiert, pour un collectionneur privé, le principal des £uvres d’art ancien qui, aujourd’hui, font du musée des Beaux-Arts de Budapest, le plus riche en tableaux espagnols hors Espagne. Dont sept El Greco. Or cette collection qui comptait aussi des £uvres allemandes, françaises et italiennes (la seule sculpture réalisée par Léonard de Vinci par exemple) devient propriété d’Etat en 1870. Depuis, d’autres pièces, incluant les xixe et xxe siècles, ont rejoint ce patrimoine au c£ur duquel on peut en outre découvrir 10 000 dessins et 100 000 estampes. Bien sûr, à Londres, il y aura quelques absents de taille comme La Dame à l’éventail de Manet, Le Jardin sous la neige de Gauguin ou encore, côté ancien, l’extraordinaire Adam et Eve de Hans Baldung Grien et Le Songe de saint Joseph de Rembrandt. Mais il y aura de quoi se réjouir. On peut citer, côté peinture, une Crucifixion d’Altdorfer, Le Martyre de saint André signé Ribera ou encore une Madone (dite Esterhazy) inachevée de Raphaël. Des paysages de Poussin et Lorrain à ceux de Pissarro, des portraits de Veronèse à ceux de Goya et Kokoschka, on traverse les époques et les manières en choisissant d’abord la qualité même du dessin, de la composition et des couleurs. L’intérêt de la visite tient aussi à la présentation des feuilles dont une Etude de tête de Léonard de Vinci et, non loin, un cavalier de Dürer ou encore une £uvre à l’encre de Rembrandt et, entre Tiepolo et Delacroix, une aquarelle d’Egon Schiele.

Royal Academy. Du 25 septembre au 12 décembre. Tous les jours, de 10 à 18 heures. Vendredi jusqu’à 22 heures. www.royalacademy.org.uk

Diaghilev et l’âge d’or des Ballets russes

Né d’une famille de la petite noblesse russe dans les environs de Novgorod en 1872, Serge Diaghilev aurait pu devenir compositeur si son professeur Rimski Korsakov ne l’avait découragé. Alors, il se tourne vers les arts plastiques et rejoint les milieux d’artistes les plus audacieux de Saint-Pétersbourg avant d’être engagé par les théâtres impériaux. C’est ainsi que, dès 1900, il monte ses premiers spectacles et, cinq ans plus tard, une exposition qu’il exporte à Paris l’année suivante. Le pas est franchi. Dès 1907, il fonde Les Ballets russes. Sans port d’attache, il propose en réalité des spectacles chorégraphiques qui seront présentés à Paris, Monte-Carlo et Londres. La clé de son succès : convoquer les plus innovants des créateurs : Stravinsky, Chanel, Picasso, Cocteau, Ravel, Satie, Proust, Joyce ; les meilleurs chorégraphes (de Michel Fokine à Georges Balanchine en passant par Léonide Massine) ; et les danseurs les plus fameux (Vaslav Nijinsky en tête, ainsi que Anna Pavlova et Olga Spessivtseva). Le tout au risque même des scandales, comme en 1913, quand sa vision du Sacre du printemps provoque des bagarres de rue.

L’exposition du Victoria and Albert Museum ne se contente pas de réunir des documents d’archives. Profitant de la richesse de ses collections propres et de prêts exceptionnels, elle fait revivre concrètement l’aventure et les audaces des Ballets russes à travers 300 objets. Dès la première section (depuis l’arrivée à Paris jusqu’à la déclaration de la guerre de 1914), on découvre, entre autres, le costume porté par Feda Chaliapin dans le Boris Godounov de Moussorgski puis la tunique d’or et de perles dessinée par Léon Bakst et que porta Nijinski. Et dans la deuxième partie (le temps de guerre), les dessins imaginés par Gontcharova pour L’Oiseau de feu. Quant au dernier chapitre (les années 1920), il énumère tous ces peintres qui auront signé soit des costumes (Matisse pour le chat du Rossignol ou Braque pour Le Train bleu), soit des décors parfois monumentaux. Ainsi, Picasso avec le rideau de scène du Train bleu en face duquel sont présentés les costumes cubistes imaginés pour Parade. Une véritable plongée dans l’émerveillement.

Victoria and Albert Museum. Du 25 septembre au 9 janvier. Tous les jours, de 10 à 17 h 45, le vendredi jusqu’à 22 heures. www.vam.ac.uk

Gauguin

L’£uvre de Gauguin est indissociable de l’homme qui, en 1891, s’embarque pour Tahiti d’où il ne reviendra quasi jamais. Il n’est pas le premier peintre à chercher l’inspiration hors de son périmètre habituel. Mais il est le seul à vivre loin des colons, en pleine forêt. Le seul à partager sa vie avec les locaux, à apprendre non seulement leur langue mais aussi leurs légendes et leurs croyances. L’approche seulement picturale ne s’avère donc pas suffisante, mais elle s’éclaire de façon bien plus singulière et profonde dès lors qu’on approche dans le même temps la teneur des mythes de Tahiti. Un second intérêt de cette exposition tient dans l’origine des prêts. Car s’il y a bien quelques incontournables venus du musée d’Orsay (comme les Panneaux de la Maison du jouir) ou l’un ou l’autre chef-d’£uvre conservé à Londres comme Nevermore O Tahiti de l’Institut Courtauld, l’essentiel vient des Etats-Unis : New York bien sûr ou encore Washington (où l’exposition sera montrée ensuite) mais aussi Buffalo, Norfolk, Philadelphie, Indianapolis ou West Palm Beach. Des découvertes assurément. En final, une interrogation sur les manières dont, sur des supports et avec des approches forts différentes, Gauguin se et nous raconte l’univers tahitien.

Tate Modern. Du 30 septembre au 16 janvier. Tous les jours, de 10 à 18 heures. Vendredi et samedi jusqu’à 22 heures. ww.tate.org.uk

A noter, à partir du 12 octobre, l’£uvre monumentale du chinois Ai Weiwei dans le grand hall des turbines

www.eurostar.com

GUY GILSOUL

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