Ecrivain, auteur de nombreux romans et essais, président de la fondation Positive Planet.

Environnement : l’enfer, c’est aussi les autres

Il y a quelque chose de pathétique dans les batailles que nous menons, en Europe, pour prendre, à juste titre, notre part de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et du recyclage des déchets. Pendant qu’ailleurs on utilise sans vergogne charbon et pétrole, on jette à la mer des déchets à l’infini, on gaspille l’eau et la nourriture. Ces pays produisent à bas coût des biens dont ils nous inondent, ruinant notre industrie, nos emplois, en même temps que notre environnement.

Même si nous, Européens, devenions écologiquement irréprochables avant 2050 (ce qui est loin d’être vraisemblable, aussi longtemps que l’Allemagne, la Pologne ou la République tchèque seront sur leurs trajectoires actuelles) ; même si, ce qui est parfaitement possible, l’Union européenne n’était plus émettrice à cette date de gaz à effet de serre ; même si nous recyclions tous nos déchets, même si nous ne gaspillions aucune ressource rare, même si nous adoptions les réglementations les plus exigeantes et si nous devenions tous vertueux dans nos vies personnelles ; et même si nous devenions positifs dans chacun de nos actes, cela ne changerait presque rien à l’évolution climatique de la planète, tant que la Chine, l’Inde ou les Etats-Unis n’en feront pas autant. Et tant qu’on n’aura pas préparé l’Afrique à en faire autant le jour venu.

L’humanité ne sera pas sauvée par l’usage du vélo dans nos métropoles ni par l’installation massive d’éoliennes dans nos campagnes.

Comment y parvenir, quand les Etats-Unis nous disent qu’ils sont maîtres chez eux et qu’ils n’ont pas d’ordre ni même de conseil à recevoir ? Quand d’autres pays, en Asie, en Amérique latine et en Afrique, refusent de nous entendre, au motif qu’on ne peut pas leur interdire de se développer juste pour notre bon plaisir. Et quand on les voit, les uns après les autres, créer des industries du même type que celles qui ont assuré la croissance de l’Europe des xixe et xxe siècles.

Et pourtant, l’humanité ne sera pas sauvée par l’usage du vélo dans nos métropoles ni par l’installation massive d’éoliennes (chinoises) dans nos campagnes. Ni même par la fermeture des frontières européennes, qui ne nous protégerait de rien du tout. Elle le sera par la mutation radicale du modèle de développement de ces pays ; par leur capacité de court-circuiter le développement industriel classique, pour en venir au plus vite à un développement économe en énergie et en matières premières. Certains l’ont fait dans les télécommunications en passant directement au mobile sans transiter par le fixe. Ils doivent pouvoir le faire dans tous les autres domaines.

Pour les en convaincre, il faut sans doute employer la carotte et le bâton. Le bâton : ne pas importer en Europe de biens dont la production a un impact désastreux sur l’environnement ; mettre en place aux frontières de l’Europe une taxation tenant compte des émissions de gaz à effet de serre des produits importés. La carotte : leur montrer l’exemple, en faisant notre part de l’effort nécessaire et en créant en Europe le modèle du developpement positif de l’avenir. Et aider massivement ces pays à organiser cette transition vers un modèle de développement positif, par un grand plan, sur trente ans, qui pourrait réussir à faire que l’humanité tout entière n’émette plus, en 2050, de gaz à effet de serre. Cela suppose beaucoup d’études, de progrès techniques, de bonne volonté, d’actions communes, de sacrifices pour les générations présentes. Comme on l’a fait, il y a septante-cinq ans, pour lutter contre un autre enfer. C’est possible. Le G20, à Osaka, au Japon, à la fin du mois, devrait en débattre.

C’est la condition de la survie de l’espèce humaine. Cela n’en vaut-il pas la peine ?

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