ENTRETENIR L’HÉRITAGE DE MANDELA

S’il fallait encore une preuve qu’avec la disparition de Nelson Mandela, le monde a perdu le dernier  » grand homme  » de l’histoire contemporaine, la cérémonie d’hommage dans le stade Soccer City de Soweto en a fourni l’illustration le mardi 10 décembre qui, belle coïncidence, est la Journée internationale des droits de l’homme. Aucune personnalité autre que le fondateur de la Nation arc-en-ciel ne pouvait – et ne pourra avant longtemps – susciter une telle adhésion planétaire. Attirer les délégations de plus de cent pays. Réunir l’Américain Barack Obama et le Cubain Raúl Castro, le satrape zimbabwéen Mugabe et le gentil roi Philippe, le chanteur Bono et la top model Naomi Campbell… Le  » dernier grand libérateur du XXe siècle « , selon la formule prononcée par le premier président noir des Etats-Unis, aurait apprécié côtoyer la foule d’anonymes sud-africains des tribunes, chantant et dansant ou recueillie au moment de la prière commune aux religions juive, hindouiste, musulmane et chrétienne.

Cette célébration, qui n’est qu’un formidable symbole, ne dit rien de ce que les Sud-Africains, les Africains, les êtres humains feront de l’héritage de Nelson Mandela. Sans doute les Sud-Africains espèrent-ils que  » jamais le soleil ne se couchera sur une réussite humaine aussi glorieuse « , comme le leur prédisait, le 10 mai 1994, Mandela lors de son discours d’investiture à la présidence, soit  » une société libre, démocratique, dans laquelle tous les citoyens vivraient en harmonie et égaux en droits « . La lutte contre la discrimination institutionnalisée du régime d’apartheid était par nature universelle, même si certains dirigeants européens, et non des moindres, tardèrent à s’y rallier. Mais ce sont sa gestion de l’après-apartheid et la méthode qu’il a su imposer pour unir tout un peuple à travers le pardon, le dialogue et la réconciliation qui ont insufflé une autre dimension à l’oeuvre de Nelson Mandela. Philosophique plus que politique.

Ainsi le monde découvre-t-il peut-être que cette Afrique, celle qui nous a renvoyé ces dernières années de fréquentes images de massacres, de conflits, de famines et de migrations forcées, peut aussi délivrer quelques salutaires leçons de vie.  » La noblesse d’esprit exceptionnelle  » de Nelson Mandela illustrée dans des propos de l’écrivain sud-africain blanc André Brink au Monde par la façon dont  » il a réussi à imposer le respect à ses gardiens  » de prison parce qu’il s’était rendu compte qu’ils n’étaient pas inhumains mais qu’on leur avait imposé leur inhumanité. L’ubuntu surtout, cette philosophie qui pose que l’homme n’est ce qu’il est que grâce aux autres…

Le décès de Nelson Mandela a été l’occasion de s’interroger sur la permanence de  » grands hommes  » dans un monde où les nobles causes, si elles n’ont pas disparu, sont soit ballotées par la rotation infernale de l’information, soit balayées par la société du divertissement. L’Histoire dira s’il faut en faire définitivement son deuil. En attendant, la multiplication des foyers d’instabilité dans le monde, en Afrique, au Moyen-Orient ou en Asie, démontrent combien seraient précieux des  » Mandela pragmatiques  » qui, à leur échelle, entretiendraient son idéal d’écoute, de dialogue et de compromis.

de Gérald Papy

 » Ainsi le monde découvre-t-il que cette Afrique peut aussi délivrer quelques salutaires leçons de vie  »

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