Entre Sambre et Meuse

Olivier Pestiaux est l’un de ces artistes discrets dont on guette avec avidité le moindre signe, la plus petite bouteille à la mer. Sans doute parce que l’on sent chez ce talent converti à l’art sur le tard – il a aujourd’hui 53 ans – cette très précieuse liberté dont la scène contemporaine semble parfois manquer.

Olivier Pestiaux ne travaille pas pour épater la galerie et cela se sent. Marqué par le destin et la notion de bifurcation, il refuse de s’installer dans le confort d’une pratique répétitive. Cette négation prend souvent la forme d’aventures plastiques inattendues. On se souvient de celle qui l’avait poussé à emmener plusieurs non-voyants au fil d’un sentier conceptuel constitué de portraits graphiques sollicitant l’intelligence de la main. On se rappelle également de son détour au château de Thozée, une résidence l’ayant conduit à explorer le potentiel de l’herbier pour « mesurer la richesse formelle à l’oeuvre dans le vivant ».

Cette fois, c’est un voyage initiatique mené à trente kilomètres de chez lui qui a servi de matière première à une nouvelle série. Sur un petit voilier, Pestiaux a remonté la Sambre et la Meuse, en compagnie de son ami Bernard Thiry. Cette odyssée en autonomie complète l’a marqué au fer rouge, qu’il s’agisse de l’émouvante expérience qui consiste à entrer dans Charleroi par l’eau, « c’est comme se jeter dans la gueule du loup », ou suivre les méandres de la Meuse, fleuve miraculé dont nombre des affluents ont été détournés par le Rhin ou la Seine. Ce vécu singulier a débouché sur seize oeuvres uniques, entre peinture et photographie, qui posent une question essentielle: que peut bien signifier « être né quelque part » à l’heure de la traçabilité et de la géolocalisation?