Enfant exilé cherche tuteur

Adolescents livrés à eux-mêmes, ils sont des centaines, chaque année, à devoir se débrouiller seuls pour obtenir l’asile chez nous. Le gouvernement envisage de les confier à un tuteur. De l’espoir pour Jean-Claude, Rwandais de 15 ans.

Arrivé en Belgique alors qu’il n’avait que 14 ans, Jean-Claude a fui seul le Rwanda et les militaires qui voulaient l’enrôler de force dans l’armée. C’est l’une de ses tantes qui l’a aidé à quitter son pays en faisant appel à un passeur. Celui-ci l’a conduit jusque devant l’Office des étrangers, à Bruxelles. « Il m’a dit: Jean-Claude, c’est ici que je te laisse, tu vas entrer dans ce bâtiment et raconter ton histoire. Ils vont t’aider », se souvient le jeune Rwandais.

Aujourd’hui, Jean-Claude réside dans un centre d’accueil pour réfugiés, avec près de 200 autres demandeurs d’asile de tous âges. En 2001, ils étaient 1 526 mineurs étrangers non accompagnés (Mena) à débarquer en Belgique. Les moyens utilisés pour parvenir chez nous sont nombreux mais, le plus souvent, « malgré le nom qu’on leur donne, les Mena sont accompagnés pendant leur voyage, par un passeur ou par des adultes, eux-mêmes candidats réfugiés, qui font le même trajet », explique Laetitia Van Osta, la directrice du Centre pour adolescents en exil du Petit-Château (CADE), à Bruxelles. Mais, une fois arrivés sur le territoire belge, ils se retrouvent livrés à eux-mêmes. Et se débrouillent seuls. Ceux qui introduisent une demande d’asile (ils étaient 1 053 en 2001) sont placés dans un centre, en fonction des places disponibles. Certains atterrissent dans un centre ouvert où ils sont mêlés aux adultes. D’autres ont plus de chance et sont accueillis dans des centres qui disposent d’une structure réservée aux mineurs. Mais, actuellement, aucun Mena n’est pris en charge individuellement.

« Au centre, il y a quatre assistants sociaux pour 200 personnes. Je ne vois le mien que quand c’est moi qui demande des nouvelles de mon dossier. Je n’ai jamais vu mon avocat », raconte Jean-Claude, qui se sent perdu face au processus de régularisation qu’il a entamé. Pour l’instant, la procédure d’asile ne prévoit aucune prise en charge particulière des moins de 18 ans. Ils sont considérés comme des adultes. De plus, aucun acteur social n’a la tâche spécifique d’encadrer les mineurs non accompagnés. Alors, dans les centres d’accueil, on bricole avec ce qu’on a…, c’est-à-dire pas grand-chose: les assistants sociaux sont souvent débordés et ils ne sont pas tous formés pour répondre aux besoins spécifiques des mineurs non accompagnés.

Un sur six disparaît dans la nature

Ce problème devrait enfin être réglé puisqu’un avant-projet de loi, élaboré par les ministres de la Justice et de l’Intérieur, pourrait aboutir prochainement en gouvernement, il prévoit la création d’un « service des tutelles sur les mineurs non accompagnés ». Dorénavant, chaque mineur candidat réfugié qui pénètre seul sur le territoire belge se verra attribuer un tuteur. Ce dernier sera chargé de représenter le jeune dans tous les actes juridiques, dans les procédures d’accès au territoire, de séjour, d’établissement et d’éloignement des étrangers, ainsi que pour toute autre question administrative ou judiciaire et, en particulier, l’introduction d’une demande d’asile. Il devra aussi protéger le Mena contre tout danger d’exploitation durant son séjour en Belgique. Le tuteur devra également s’assurer que le mineur est scolarisé et qu’il dispose de tous les soins médicaux et psychologiques nécessaires. Mais, surtout, il sera chargé d’établir une réelle relation de confiance avec le mineur. Un lien qui manque cruellement à de nombreux jeunes, comme l’explique Jean-Claude. « J’aimerais avoir quelqu’un qui s’occupe de moi, qui vient de temps en temps me voir jouer au basket, par exemple, confie-t-il. Et puis… ça sert à rien d’avoir des beaux points à l’école s’il n’y a personne qui s’en réjouit! » Dans l’état actuel des choses, la plupart des mineurs non accompagnés vivent mal leur séjour en Belgique. Alors ils fuient, une fois encore. « Depuis que je suis ici, quatre mineurs non accompagnés sont partis. Ils en avaient marre. C’était trop dur, la vie dans le centre », raconte Jean-Claude. Selon Child Focus, 250 Mena ont disparu en 2001. Pour Laetitia Van Osta, la meilleure façon de les empêcher de repartir est précisément de leur attribuer un tuteur. « Ils ont besoin de quelqu’un qui exerce une forme d’autorité sur eux, qui les contrôle et les influence positivement », remarque-t-elle. Le CADE du Petit-Château, premier et seul centre d’accueil exclusivement réservé aux mineurs non accompagnés, dispose de 40 places pour héberger des jeunes exilés de 15 à 18 ans et de toute une équipe d’éducateurs et d’assistants sociaux, formés spécialement pour leur venir en aide. « Le problème est que nous sommes une institution; si nous avons bien une sorte de contrôle sur eux, le CADE reste tout de même un centre ouvert. On ne peut pas les empêcher de partir, explique la directrice du centre. Le tuteur, lui, aura plus d’influence et pourra réellement protéger le jeune. » Mais si on sait déjà quelles seront les nombreuses tâches de ce tuteur un peu particulier, on ignore encore tout de son statut. Sera-t-il bénévole ou professionnel? Quelles seront ses qualifications? L’avant projet de loi reste flou mais le texte devrait revenir sur la table du gouvernement le 22 février prochain. « J’espère qu’ils vont se dépêcher, car je suis pressé de rencontrer quelqu’un qui s’intéressera à moi en tant que jeune, élève… et pas seulement en tant que demandeur d’asile », commente Jean-Claude, le regard pétillant d’impatience.

Cécile Van Neck

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire