» En Wallonie, je me sens à l’étranger « 

 » La frontière linguistique est une vraie frontière « , déclare Jan Peumans, président du parlement flamand. Intarissable à propos des différences entre Flandre et Wallonie, ce ténor de la N-VA sèche vite quand on lui demande d’énumérer d’éventuels points communs.

Quatre fanions trônent sur le bureau présidentiel. Il y a d’abord le petit drapeau de la Communauté germanophone et, à ses côtés, celui de la Catalogne. Viennent ensuite deux étendards jaune et noir.  » C’est le vrai drapeau flamand, ça « , glisse Jan Peumans en désignant le premier, orné d’un lion aux griffes noires, symbole du mouvement nationaliste.  » Et ça, ben… c’est un autre drapeau flamand « , ajoute-t-il en montrant le second, celui officiellement adopté par la Communauté flamande, avec un lion aux griffes rouges. Aucun drapeau belge, par contre.  » Ce n’est pas nécessaire… « 

Le Vif/L’Express : Vous avez souvent dit que, le week-end, vous aimez vous promener en Wallonie. Vous vous sentez alors dans un autre pays ?

Jan Peumans : Oui. C’est une autre culture, d’autres paysages. Une autre mentalité. Sur tous les sujets.

Vraiment ?

Même le journal parlé est également différent. Les francophones donnent toujours plus de détails. Les Flamands vont to the point. A 11 heures du soir, j’écoute le journal de la VRT, ça va très vite. Une minute, pas plus. Puis je mets La Première. Et là, ça dure vingt minutes, avec plein de commentaires, les résultats de la Bourse et tout. Au moins, je fais l’effort d’écouter la RTBF. Les grands défenseurs de la Belgique n’arrêtent pas de dire qu’il faut s’intéresser à l’autre Communauté… Eh bien, j’ai participé à un débat à Louvain-la-Neuve, et j’ai demandé qui regardait la télé flamande et qui lisait des journaux néerlandophones. Un seul étudiant a levé le doigt : il lisait Het Nieuwsblad.

Francophones et néerlandophones vivent dans des univers médiatiques différents. Cela ne les empêche pas forcément de partager certains points communs.

Le fossé s’élargit. Si on observe les trajectoires des deux Communautés, on ne voit pas une convergence, on voit plutôt… Je vais oser un mot dangereux : on voit une séparation. Pour moi, la frontière linguistique, c’est une vraie frontière. Par contre, ce n’est pas une frontière économique. Je constate ça le matin, sur l’autoroute. Avec mon chauffeur, pour aller de Riemst [ NDLR : dans le sud-est du Limbourg] à Bruxelles, nous passons par le ring de Liège. Et là, on voit tout le trafic de la Flandre vers Liège, et en sens inverse.

Francophones et néerlandophones gardent donc un important point commun : l’économie ?

Naturellement. La France, les Pays-Bas, l’Allemagne et le Royaume-Uni, ce sont nos quatre principaux partenaires commerciaux. Mais, pour moi, le partenaire n° 1 de la Flandre, cela reste la Wallonie. Entre nos économies, l’union fait la force. [ Il rit.] Je parcours souvent la Flandre pour aller parler dans les sections N-VA, et quand je dis qu’il faut conserver la solidarité avec les Wallons, il y a chaque fois des gens qui s’exclament :  » Ah non, pas d’accord, Monsieur Peumans !  » Certains estiment qu’il faut couper net la solidarité. Moi, pas. Mais elle doit devenir plus transparente. Sinon, une autre différence me vient à l’esprit…

Et des ressemblances, vous n’en voyez pas d’autres ?

Ah, il n’y en a pas tellement. Nous sommes tous des êtres de chair et de sang. Nous vivons dans un même pays, mais dans deux démocraties. Avec l’autonomie qu’on a donnée aux Régions et aux Communautés, chacun a suivi sa propre évolution. Plus d’autonomie, plus de compétences, plus de divergences ! Mais il y a des divergences positives : le Wallon est plus tolérant et hospitalier que le Flamand.

Ne subsiste-t-il pas, malgré tout, un style de vie commun ?

Vous avez raison : on va tous chez Leen Bakker, Zara et C&A. Mais ça vaut aussi pour les Espagnols, les Allemands, les Néerlandais… Et nous mangeons tous des produits Unilever. Sinon, j’ai toujours de la moutarde Bister et du sirop de Liège dans ma cuisine. Mais, à part ça, je ne vois rien d’autre.

ENTRETIEN : FRANÇOIS BRABANT

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