En toute complicité

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Yvan Attal dirige sa compagne Charlotte Gainsbourg dans l’amusant Ma femme est une actrice, comédie de malentendus sur le monde du cinéma

Parce qu’elle ne voulait pas se montrer totalement nue dans une scène du film qu’elle tournait à Londres, Charlotte a lancé en boutade au réalisateur qu’elle ne se déshabillerait que si toute l’équipe en faisait autant. Le metteur en scène l’ayant prise au mot, l’actrice a bien dû s’exécuter. Et c’est ainsi que son compagnon Yvan, venu sans prévenir lui rendre une petite visite, a découvert un plateau de tournage intégralement peuplé de nudistes! Une vision de nature à confirmer les pires fantasmes orgiaques nourris dans l’imaginaire d’un jaloux par cet univers du cinéma où, entend-on dire souvent, « tout le monde couche avec tout le monde »…

La scène tout juste décrite est l’un des moments forts, et hilarants, d’une comédie sympathique, que son auteur a intitulée Ma femme est une actrice, et qui met en scène les relations délicates d’un couple menacé par la célébrité d’un des partenaires et la jalousie de l’autre. Au scénario et à la réalisation se trouve l’acteur Yvan Attal, dont c’est le premier film. Devant la caméra, la vedette est tenue par Charlotte Gainsbourg, compagne du premier nommé à la ville comme – désormais – à l’écran. Leurs personnages portant les mêmes prénoms, devons-nous chercher l’autobiographie au coeur de la fiction? Pas si sûr, l’Yvan du film n’étant pas comédien mais journaliste sportif, et le couple se déclarant à l’abri des crises de jalousie. Mais le petit jeu du vrai et du faux, des paradoxes liés à la vie du spectacle et au spectacle de la vie, ne manque toutefois pas de sel, pimentant agréablement un divertissement souvent très drôle et globalement attachant.

Brouiller les pistes

Yvan Attal s’est vu un jour aborder dans la rue par un quidam un tantinet collant, qui déversa sur lui les préjugés bien connus sur le monde du cinéma et, plus précisément, sur les baisers, caresses et autres gâteries partagées pour la cause de la fiction, mais tout de même opérés « pour de vrai » et devant nécessairement troubler ceux et celles qui s’y livrent. Cette irritante rencontre, cristallisant tout un discours trop de fois entendu et une curiosité abusive, Attal en fit tout d’abord l’inspiration d’un court-métrage, tourné voici cinq ans déjà. Puis, encouragé par son producteur Claude Berri, le même sujet devint le prétexte d’un premier long-métrage, qu’il développa en complicité avec Charlotte Gainsbourg, qui ne pouvait qu’être l’interprète principale du film à venir.

L’autre jour, dans une brasserie bruxelloise, le couple évoquait ce projet peu banal. Yvan surtout, très animé, parlait, coupant volontiers la parole à la douce Charlotte. Histoire, peut-être, de signifier clairement que, si sa femme est bel et bien une actrice, c’est lui et personne d’autre qui a signé le film…

Brouiller les pistes

« Tout est parti de ce type dans la rue, tel une incarnation vivante de l’ignorance, et qui m’a, paradoxalement, éclairé sur mon métier », explique Attal. Et d’enchaîner: « Nous nous efforçons tous, acteurs et réalisateurs, de donner aux fictions que nous tournons les apparences du vrai. Cette crédibilité est bien sûr essentielle, il faut que les spectateurs croient ce qu’ils voient, sinon ils décrochent et s’ennuient. Je me suis donc donné tout le mal possible pour qu’ils croient ce qui arrive dans Ma femme est une actrice. Au risque d’accréditer l’impression qu’il y a, dans ce spectacle, une part de documentaire ou de journal intime…, ce qui n’est absolument pas le cas. Mais je ne suis pas dupe, et cette idée de brouiller les pistes m’a très vite beaucoup plu. C’est ainsi que j’ai gardé nos vrais prénoms, que je me suis aussi amusé à conserver le mystère sur le nom de l’actrice prénommée Charlotte, un nom qu’une série de bruits intempestifs vient rendre inaudible à chaque fois qu’il est prononcé…  »

« Yvan voulait que j’apparaisse telle que je suis dans la vie de tous les jours, confirme Charlotte Gainsbourg. Il m’a constamment impliquée dans la préparation du film, sollicitant mes idées, mes initiatives. C’était à la fois excitant, car très différent de ce qu’on me demande d’ordinaire, et un peu angoissant, car je redoutais qu’on en vienne à confondre ce qui arrive dans le film et ce qui est notre vie privée, à Yvan et à moi. » L’actrice est parfois mal à l’aise devant les rapports assez particuliers qu’une bonne partie du public entretient avec elle. Beaucoup d’entre nous ont vu grandir Charlotte dans les films, en même temps qu’on la suivait dans ses rôles successifs. La popularité de ses parents, Serge Gainsbourg et Jane Birkin, et le fait qu’elle ait été présente très jeune à l’écran contribuèrent à donner cette impression – justifiée ou pas – que nous connaissions un peu Charlotte au travers des fictions qu’elle jouait. Yvan Attal est très conscient de ce phénomène, lançant à sa compagne qu’elle « fait partie du patrimoine français » et que la familiarité que les gens ressentent à son propos est également le fruit de « l’honnêteté » qui accompagne chacune de ses apparitions publiques ou médiatiques.

La meilleure façon de mentir

Charlotte Gainsbourg ne se sent plus prisonnière des rôles d’éternelle jeune fille qu’on lui fit longtemps jouer. « Ma mère le fut également des personnages de jolie rigolote, avant que Doillon la fasse tourner et qu’on s’aperçoive soudain qu’elle est une remarquable actrice! » s’exclame celle que les étiquettes et les clichés, même vendeurs, horripilent superbement. Yvan Attal, pour sa part, ne cache pas que l’un de ses objectifs, avec son premier long-métrage, était d’exalter le talent de Charlotte, mais aussi ce qu’il aime en elle en tant que personne et non seulement en tant qu’interprète. « Une déclaration d’amour sur grand écran! » sourit-il tout en se gardant bien d’être un tant soit peu explicite sur les éléments relevant de la pure invention ou de l’expérience quotidienne et intime.

La meilleure façon de mentir

Admirateur de Woody Allen, de Billy Wilder, de George Cukor et d’Ernst Lubitsch (dont il vient d’apprendre qu’il réalisa un film « muet » – et perdu -, intitulé Ma femme est une actrice!), Attal aime aussi évoquer Marivaux, présent dans une séquence de son film où le personnage d’Yvan regarde de jeunes acteurs répéter une scène. Il y est dit que « malgré la comédie, tout est vrai, car ils (les comédiens) font semblant de faire semblant ». « La meilleure façon de mentir serait, en définitive, de s’arranger pour ne pas avoir à mentir!  » conclut, avec un clin d’oeil, Attal, auteur d’un premier film aux couleurs d’humour et d’amour. Un spectacle savoureux, relevé d’une intrigue secondaire tout aussi plaisante sur la judéité et la nécessité ou non de circoncire les bébés…

Louis Danvers

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