Elle est tout, sauf l’égale de l’homme

Les femmes forment, en 1914, la majorité silencieuse de la population belge. Exclues du droit de vote, absentes de tous les leviers du pouvoir. Privées de quasiment tous les droits. Sauf celui de se taire et d’obéir.

Il y a cent ans, 52 % de la population belge était bâillonnée, réduite à faire tapisserie. En 1914, la femme libérée n’est pas encore née.  » Elle est considérée de manière permanente comme une mineure : d’abord soumise au père, puis au mari « , observe Eliane Gubin (ULB), spécialiste de l’histoire du féminisme. Il n’y a toujours qu’un chef à la maison : c’est l’homme.  » Jusque 1910, la femme doit demander l’autorisation de son mari pour pouvoir travailler. Elle ne peut disposer de son salaire, sauf pour les besoins du ménage.  » Et inutile pour elle de trouver auprès du clergé une écoute favorable : il prône la soumission absolue à l’homme.

Les milieux de la gauche, eux, ne sont pas insensibles à la condition féminine et au combat pour l’améliorer. Mais ils reculent devant l’emprise supposée des curés sur la gent féminine. Lui accorder une voix serait du pain bénit pour les catholiques.  » Les socialistes, dans leur lutte pour le suffrage universel, ont besoin de l’appui des libéraux. Ceux-ci conditionnent leur soutien à l’abandon de la revendication du suffrage universel pour les femmes « , poursuit Eliane Gubin.

Le Parti ouvrier belge cède. Les femmes sont les laissées-pour-compte de la poussée démocratique qui s’exprime à la veille de la guerre.  » Le vote féminin est relégué, avant la Première Guerre mondiale, au tiroir des utopies « , constate Els Witte (VUB). Le pouvoir leur reste inaccessible. La femme est inexistante au gouvernement, absente au Parlement. Invisible dans les hautes sphères de la finance et de l’industrie.

 » Le féminisme ne concernait qu’une petite minorité de femmes. On rencontrait exclusivement des féministes dans un groupe sélect de femmes issues de la bourgeoisie intellectuelle « , rappelle Els Witte. Ces militantes de la première heure cherchent avant tout à fuir l’ennui de leur foyer, et à se soulager du fardeau de mariages souvent forcés.

 » Le féminisme est intellectuel, urbain, laïque et de gauche « , résume Eliane Gubin. Il se structure timidement à la fin du XIXe siècle. Et débouche sur la création, en 1913, d’une Fédération belge pour le suffrage féminin. Les femmes socialistes refusent cependant d’y adhérer, pour ne pas s’allier à des féministes  » bourgeoises « . Le vote des femmes attendra jusqu’en 1948.

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