Droit de réponse

Nous avons reçu ce droit de réponse de la direction du Théâtre royal de la Monnaie, après la publication dans Le Vif/L’Express du 28 juin dernier de l’enquête  » Malaise en bord de scène « .

L’article a suscité la consternation de beaucoup de personnes au sein de la Monnaie. Non seulement en raison de sa véhémence à l’égard de la direction de la Monnaie, en particulier à l’égard du directeur général Peter de Caluwe, mais également en raison de la manière avec laquelle est présentée la gestion générale, et en particulier la politique du personnel.

Au-delà de la méthodologie discutable utilisée pour écrire cette  » enquête « , et sans nier qu’il y a sans aucun doute des progrès à faire dans nombre de domaines, l’article présente un certain nombre d’inexactitudes qui appellent une explication et une mise en contexte. […]

1. Concernant les supplémentaires.

[…] Ces dernières années, le nombre de travailleurs supplémentaires est resté stable : ce sont 400 à 450 personnes qui sont recrutées ponctuellement. Cela correspond à 40 équivalents à temps plein, soit 10 % de notre personnel permanent.

Une proportion de 90 % de personnel fixe pour 10 % de supplémentaires est une situation unique dans le secteur culturel, où le nombre de travailleurs  » non fixes « , indépendants ou avec un statut précaire est généralement beaucoup plus élevé.

Il s’agit d’un choix assumé. Nous voulons non seulement garder les expertises liées aux métiers de l’opéra au sein de la maison et les transmettre aux générations suivantes mais également favoriser une culture d’entreprise qui rassemble les personnes.

Les salaires qui sont payés aux travailleurs supplémentaires sont fixés selon une grille de tarifs, qui sont plus élevés que les indemnités prévues par la commission paritaire 304 (arts de spectacle), et qui sont conformes à un certain nombre de minima. Avec les syndicats, nous avons fixé des tarifs plus élevés pour les supplémentaires qui ont une plus grande expertise. Nous portons également attention à rapprocher ces contrats temporaires le plus possible.

Les contrats se terminent à la date de fin prévue par le contrat, selon la loi. Les services juridiques des syndicats qui accompagnent la plupart de ces externes exercent un contrôle sur ces procédures et interviennent si nécessaire.

2. Le nombre d’employés.

Le nombre de salariés fixes a en effet été réduit depuis 2004. C’est une évolution logique dans une organisation qui questionne de façon responsable son fonctionnement mais la raison principale en est les réductions drastiques de subsides (en 2004, 2009 et 2014). A chaque réduction, un bain de sang social a été évité, souvent en avançant le départ à la pension anticipée ou en ne remplaçant pas les départs spontanés.

Dans le même temps, nous avons travaillé à certaines flexibilités internes qui, d’une part, ont permis d’améliorer l’efficacité interne mais, d’autre part, l’équilibre travail/vie privée.

Chacun de ces changements a été fait en concertation sociale et en toute transparence envers le personnel.

En ce qui concerne les chiffres : aux ateliers décors ne travaillent pas 8 collaborateurs, comme indiqué dans l’article, mais bien 17.

3. La procédure de recrutement.

La situation qui est décrite dans l’article a existé indiscutablement à une certaine époque à laquelle les chefs de service disposaient d’une grande liberté dans le recrutement du personnel.

Il a été mis fin à cette situation il y a une dizaine d’années. La Monnaie dispose depuis lors d’une politique de recrutement pour laquelle une procédure a été revue et documentée l’année dernière. Cette procédure a été signée par les partenaires sociaux.

L’embauche de personnel sur la base de  » qui connaît-on  » n’existe plus à la Monnaie. Nous embauchons sur la base de compétences et d’expertise avérées.

4. Les salaires.

A l’arrivée de la direction actuelle, un accord a été signé avec les partenaires sociaux afin d’introduire un nouveau système de salaires, sur la base d’une classification de fonction analytique. Le nouveau système de salaires comporte 8 niveaux de salaires. En 2013, certains principes clés sur la calibration salariale, l’augmentation et les promotions ont été introduits et depuis lors certaines corrections ont été apportées afin d’en augmenter l’objectivité et de mieux évaluer et rémunérer l’expérience professionnelle acquise, à la Monnaie ou hors de la Monnaie.

Les pondérations et évaluations de l’échelle salariale sont faites en collaboration avec une agence externe qui surveille également la bonne application du système. Il est possible de faire appel des décisions via des partenaires externes.

Les chefs de service ne peuvent donc plus décider seuls du salaire de leurs collaborateurs, et non plus des promotions. Ils jouent néanmoins évidemment un rôle important dans le suivi et le développement de leur personnel.

5. La rotation du personnel.

La Monnaie connaît une rotation moyenne du personnel (démissions, licenciements, départs volontaires) de 4 à 5 % par an. D’après l’hebdomadaire Trends (du 4 avril 2018), sur l’ensemble du marché du travail en Belgique, cette moyenne se situe à 9,85 % (5,75 % départs volontaires et 4,10 % forcés). Nous n’avons donc pas l’impression que la rotation du personnel à la Monnaie soit problématique, au contraire, nous nous situons à moins de la moitié de la moyenne nationale.

6. La politique de licenciement.

S’il y a un sujet sur lequel la transparence totale n’est pas possible, c’est bien le sujet des licenciements, pour des raisons évidentes d’obligation de discrétion à l’égard du salarié.

L’employeur se sent toujours impuissant quand des salariés licenciés racontent qu’ils  » n’ont aucune idée  » des raisons pour lesquelles ils sont licenciés.

Pour chaque licenciement, une raison précise est pourtant donnée à la personne, souvent suite à de nombreuses remarques faites. Par ailleurs, depuis 2014, chaque employeur est dans l’obligation de motiver le licenciement à la demande du salarié.

De facto, le nombre de recours au tribunal du travail au sujet de ces licenciements est très limité, pour ne pas dire inexistant (une seule pendant les 5 dernières années). C’est un bon baromètre pour évaluer à quel point les licenciements sont  » arbitraires « .

7. Maladies longue durée et burnouts.

[…] Comme l’article le mentionne d’ailleurs, notre enquête de bien-être a montré que notre personnel a besoin de davantage de récupération. […]

Nous essayons au mieux de prendre en compte l’équilibre travail/vie privée dans le rythme de travail, mais des pics de travail ne sont bien sûr pas à exclure.

C’est aussi la raison pour laquelle nous avons introduit en 2014 une politique psycho-sociale, qui doit identifier ces problèmes et intervenir de façon préventive.

Quelques chiffres bruts : entre 2012 et 2017, 17 collaborateurs ont été absents plus de 6 mois pour cause de maladie. Il n’est pas évident de savoir qui, parmi eux, est absent pour cause de burnout, mais il ne s’agit pas de tous ces collaborateurs. Il y a en réalité 6 personnes qui sont malades depuis plusieurs années et sont donc comptées chaque année dans les statistiques.

Il est regrettable qu’en dépit des informations pourtant complètes partagées avec Le Vif, l’article parvient à donner une interprétation complètement erronée sur ce sujet si sensible. Chaque burnout en est un de trop et les mesures que nous avons prises, témoignent de l’attention que nous portons sur ce dossier.

Pour finir, nous voudrions exprimer notre étonnement concernant la méthodologie choisie pour écrire cet article. Parmi les 38 collaborateurs (en service ou ayant quitté la Monnaie) qui ont été interrogés se trouvent deux membres du comité de direction.

Cela signifie que cet article est basé sur l’interprétation de déclarations de 16 collaborateurs actuels et 20 anciens collaborateurs. Parmi les membres actifs et ex-membres à la Monnaie, plusieurs ont déjà indiqué qu’ils ne se retrouvent pas du tout dans le texte publié ou que leurs citations ont été détournées complètement, dont acte.

La politique de bien-être que nous avons mise en place est basée sur une enquête qui a été envoyée à tous les collaborateurs de la Monnaie en 2015, dont 80 % ont participé. Toutes les réponses étaient anonymes et ont été analysées par une organisation externe spécialisée (Attentia). Beaucoup plus représentative et objective donc.

90 % des répondants ont déclaré avoir  » souvent ou toujours du plaisir dans leur travail à la Monnaie « . Les résultats de cette enquête ont été présentés et discutés avec tous les collaborateurs dans leurs départements respectifs. Nous avons basé notre politique de bien-être sur les axes principaux qui sont ressortis de ces discussions. Nous monitorons constamment les progrès en discutant avec toutes les parties de l’organisation.

Dans la suite de cette étude, nous avons demandé à nos équipes de préciser les choses qui n’allaient pas bien : notre façon de diriger les équipes, de communiquer, la manière avec laquelle nous organisons la collaboration entre les personnes.

Contrairement à votre  » enquête « , notre approche de cette problématique nous semble beaucoup plus crédible comme base de développement futur, basé sur des arguments et sur le respect, ce qui manque dans votre article.

Beaucoup d’initiatives ont déjà démarré mais il y a encore beaucoup à faire. En 2020, nous voulons mesurer à nouveau où nous en sommes et refaire l’enquête.

Parce que nous prenons notre personnel au sérieux et respectons ce qu’il réalise chaque jour pour notre maison : notre aspiration est d’être une organisation qui apprend constamment.

Au nom de la direction de la Monnaie/De Munt : Peter de Caluwe, Directeur général, Eddy Ballaux, Directeur Personnel & Administration

Réaction du Vif/L’Express

L’enquête du Vif/L’Express diffusée le 28 juin dernier est fondée sur une multitude de témoignages recueillis auprès de salariés actuels ou passés de la Monnaie. Les informations diffusées dans l’article reflètent le sentiment qu’éprouvent ces travailleurs par rapport à l’organisation interne du TRM. Affirmer que l’approche est subjective relève dès lors de la tautologie : l’article ne peut que synthétiser les subjectivités additionnées, mais néanmoins concordantes, des témoins, cadres supérieurs compris. Qu’autant d’interlocuteurs, sans s’être concertés, mettent en cause les conditions de travail, de salaire, de recrutement ou de licenciement, ne peut qu’être interpellant. Juger ces propos non fondés revient à nier le malaise exprimé par le personnel et, partant, le personnel lui-même. Si malgré tout, la perception du personnel était erronée, il se confirmerait que la communication interne à la Monnaie présente de très lourdes carences.

Factuellement :

Le taux de rotation du personnel ne peut légitimement être comparé entre une institution publique culturelle unique et l’ensemble du marché du travail. La phrase  » nous n’avons pas l’impression que ce taux de rotation soit problématique « , qui avait été prononcée lors de l’entretien avec Eddy Ballaux, a dû être retirée de l’article à sa demande après relecture de ses citations.

Le recours aux tribunaux ne constitue pas forcément un baromètre de l’arbitraire des licenciements : il y a bien des raisons de ne pas entamer une telle procédure.

Une écrasante majorité d’employés de la Monnaie est heureuse d’y exercer son métier, rappelle la direction. C’est bien ce qui est écrit dans l’article. Cela n’empêche pas d’y ressentir un réel malaise.

Les chiffres de burnout cités par la direction figurent dans l’enquête. Nous avions demandé à recevoir les chiffres concernant les absences de longue durée mais de moins de six mois, également révélateurs des burnouts : la direction ne les a pas communiqués.

Depuis la publication de l’article, des courriers et sms sont parvenus à la rédaction, confirmant la véracité des faits.  » Merci pour toutes ces voix qui ne sont d’habitude ni écoutées, ni entendues « , dit l’un de ces courriers.  » Je regrette de ne pas avoir fait partie des personnes que vous avez pu rencontrer, mais je vous remercie pour votre article « , dit un autre.  » Vous avez rendu justice à toutes les personnes qui vivent cela au quotidien et n’osent pas parler « , dit un troisième. Dont acte.

La direction de la Monnaie ne conteste par ailleurs :

ni les lourdes récriminations des cadres intermédiaires ;

ni l’envoi d’un e-mail aux directeurs et cadres leur interdisant de répondre aux questions du Vif/L’Express ;

ni la succession de contrats à durée déterminée courant parfois sur des années ;

ni l’intervention des syndicats pour commuer de force certains de ces contrats en CDI ;

ni la non-augmentation de certains salaires de supplémentaires pendant des années ;

ni le non-paiement de droits d’auteur ou préavis ;

ni les faits de harcèlement commis par des chefs de service ;

ni les e-mails d’insultes envoyés par l’intendant à son personnel ;

ni l’absence de mise en concurrence des sous-traitants pour la fabrication de décors ;

ni, enfin, le titre de l’enquête :  » Malaise en bord de scène « .

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