Di Rupo au paradis, le PS en enfer ?

Elio Di Rupo se met en position de remporter la triple élection de mai 2014. Vrai ou faux ? VRAI. Le Premier ministre, toujours président du PS en titre, conserve une immense popularité. Mais il n’est pas dit que son parti en profite.

Elio Di Rupo, star du 25 mai ? Ses supporters sont gonflés à bloc, ses adversaires semblent quasi résignés.  » Je ne suis pas une naïve, je sais bien que le Premier ministre fera un super résultat aux prochaines élections « , a d’ores et déjà admis Catherine Fonck, dans une récente interview au Vif/L’Express. La présidente du groupe CDH à la Chambre sait de quoi – et de qui – elle parle : elle habite Frameries, dans le Borinage, autant dire dans le jardin d’Elio Di Rupo, face à qui elle a été trois fois tête de liste, en 2007, 2009 et 2010.

Charles-Ferdinand Nothomb, pas précisément réputé pour sa tendresse à l’égard des socialistes, abonde dans le même sens. A 77 ans, l’esprit toujours affûté, l’ancien président du Parti social-chrétien a bien vu quelle unanimité ceint le Premier ministre, et ce même dans les milieux a priori les moins acquis à sa cause.  » Désormais, la bourgeoisie chrétienne adore Di Rupo, expliquait-il à notre hebdomadaire, au mois de novembre. Cela m’a frappé cet été. Dans les réceptions, les dîners, tout le monde disait du bien de lui. J’ai pensé : mon Dieu, que le monde a changé !  »

Oui, le monde a changé, et Elio Di Rupo s’en est rendu compte dès ses premiers pas en politique, s’éloignant de la doxa socialiste pour embrasser un discours progressiste, certes plus vague, mais lui permettant de ratisser bien plus large. Les sondages, de trimestre en trimestre, confirment d’ailleurs tous sa popularité quasi surnaturelle, jamais démentie depuis son accession au 16, rue de la Loi. Et cette popularité se traduira, évidemment, dans les urnes le dimanche 25 mai. Il ne saurait en être autrement, à moins d’un big bang, jamais à exclure ( » En politique, c’est toujours l’inattendu qui arrive « , disait André Cools).

Seul grain de sable dans la machine bien huilée du boulevard de l’Empereur : le PS n’a pas encore trouvé le moyen de cloner son champion. Or le 25 mai, les citoyens voteront trois fois, au fédéral, à la Région et à l’Europe. Cela signifie, pour les partis qui concourront à tous les étages, 21 têtes de liste à trouver (les circonscriptions pour le Parlement fédéral épousent les contours des provinces, celles des Régions correspondent aux limites des arrondissements). Comme Di Rupo se présentera – et triomphera – vraisemblablement à la Chambre, de façon à pouvoir moissonner les suffrages sur l’ensemble de la province du Hainaut, cela laisse aux socialistes 20 autres combats à mener, à l’issue nettement plus incertaine.

Avec Paul Magnette, Rudy Demotte, Laurette Onkelinx, Willy Demeyer, Paul Furlan, Rudi Vervoort et d’autres encore, le PS dispose certes de solides porte-drapeaux. Mais aucun de ceux-là n’égale, en popularité, Elio Di Rupo. Surtout, le parti risque de buter, au cours de la campagne électorale, sur une kyrielle de difficultés, à commencer par les mesures d’austérité décidées par le gouvernement fédéral, qui touchent de plein fouet les chômeurs et les prépensionnés, public-cible du PS. Le dossier ArcelorMittal risque aussi de coûter cher au PS dans un de ses bastions, la région liégeoise (lire en page 58). A Bruxelles, le discours de Didier Reynders (MR) sur l’immigration et la sécurité sera difficile à contrer. Sans compter les menaces à gauche de la gauche, PTB et Vincent Decroly en tête.

D’où ce paradoxe : le charisme quasi magique d’Elio Di Rupo, assorti d’une position au-dessus de la mêlée, devrait lui garantir un ticket d’entrée pour le septième ciel électoral, mais le bilan du Premier ministre pourrait, lui, précipiter le reste du Parti socialiste en enfer.

FRANÇOIS BRABANT

Seul grain de sable : le PS n’a pas encore trouvé le moyen de cloner son champion

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