DÉSOLÉ, ON N’EN A PAS FINI AVEC LE TERRORISME

En cette période de présentation de voeux, on aimerait secrètement que 2016 ressemble si peu à l’année écoulée pour en oublier plus rapidement les tourments. Las, les attentats de Paris ont frappé les sociétés européennes à un point tel que leurs stigmates risquent de nous imprégner longtemps encore, comme le démontre le dossier que nous consacrons aux conséquences, un an après, des attaques de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher (lire page 60). Surtout, bien naïf ou sacrément optimiste serait celui qui pourrait prédire aujourd’hui que 2016 échappera à une nouvelle déferlante terroriste.

Malgré les efforts soutenus des forces de sécurité et autres services de renseignement, le constat n’est pas rassurant. Des kamikazes des attentats de Paris n’ont toujours pas été identifiés ; deux de leurs principaux acteurs, Salah Abdeslam et Mohamed Abrini, courent toujours et rien n’indique que les lacunes de la surveillance européenne qui ont permis à un Abdelhamid Abaaoud de revenir de Syrie pour frapper le coeur de la France aient trouvé l’amorce d’un début de commencement de solution. Cela ne préfigure pas pour autant un attentat d’envergure demain. Les services concernés engrangent de l’expérience à chaque épreuve, accroissent leur capacité d’anticipation et de prévention, déjouent d’autres potentielles opérations. Et sachant que des attaques-commando comme celles du 13 novembre à Paris ne s’improvisent pas en quelques jours, c’est sans doute l’action de cellules plus réduites, comme Bruxelles a pu en être la cible le soir du réveillon de Nouvel An, qu’il faut redouter dans un premier temps, donc en 2016.

A défaut de pouvoir garantir une protection antiterroriste efficace et immédiate en Europe, l’autre chantier de lutte contre Daech se situe dans son foyer originel. Il n’incline pas plus à l’optimisme. Les développements observés dans les derniers mois de 2015 laissaient augurer une évolution positive. Des négociations sur une sortie de crise politique en Syrie devaient réunir tous les belligérants, hors les groupes islamistes les plus radicaux, lors d’une réunion en ce mois de janvier. Et la reconquête de la ville de Ramadi par l’armée irakienne pouvait préfigurer une retraite progressive de l’Etat islamique, que le renforcement de la coalition internationale par l’implication nouvelle de la France, du Royaume-Uni et, malgré des intérêts divergents, de la Russie aurait encore favorisé en Syrie…

L’exécution, le 2 janvier, du dignitaire chiite saoudien Nimr Baqer al-Nimr, condamné à la peine de mort dans son pays à majorité sunnite pour sédition, met en péril ce fragile édifice. Elle attise entre les deux principales branches de l’islam une fracture qui couve au Liban ou à Bahreïn, exacerbe la confrontation en Syrie et en Irak et est à l’origine de la guerre civile au Yémen. Le roi Salman et les nouveaux dirigeants saoudiens intronisés il y a un an, auxquels on prête d’avoir voulu de la sorte asseoir leur autorité au plan intérieur et leur leadership sur le monde musulman, ne pouvaient pas ignorer l’impact de la disparition de cette icône de la minorité chiite. Confronté certes au saccage de leur ambassade à Téhéran mais aussi à la condamnation de celui-ci par le président iranien Hassan Rohani, ils ont prestement annoncé la rupture des relations diplomatiques avec l’Iran.

Par les inévitables répercussions qu’elle aura sur la guerre en Syrie et en Irak, cette politique interroge à nouveau la sincérité de l’engagement de l’Arabie saoudite dans la lutte contre l’Etat islamique. S’il s’avérait dans les prochains mois qu’elle pratique à nouveau un double jeu, soutenant en sous-main le groupe terroriste sunnite pour affaiblir  » l’ennemi principal  » chiite, une révision profonde des relations de la Belgique et de l’Europe avec ce régime dictatorial aux avancées démocratiques cosmétiques s’imposerait quel que soit le prix, économique, à payer.

de Gérald Papy

 » C’est sans doute l’action de cellules plus réduites de terroristes qu’il faut redouter dans un premier temps  »

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