Des tensions qui s’exportent

Le conflit du Proche-Orient s’exporte dans les grandes villes de France et de Belgique, où des inconnus s’en sont pris à des lieux de culte juifs

Trois synagogues attaquées (dont l’une réduite en cendres) à Lyon, Marseille et Strasbourg, en France, une autre atteinte par des cocktails Molotov à Anderlecht: le sinistre bilan du week-end pascal est à mettre sur le compte d’une tension qui ne cesse de croître, en relation avec le drame du Proche-Orient. Condamné immédiatement par le président de l’Exécutif des musulmans de Belgique, l’attentat contre la synagogue de la rue du Chapeau, à Anderlecht, est la suite d’une lente montée des actes agressifs dirigés contre de simples membres et des lieux de culte ordinaires de la communauté juive de Belgique. Le Centre pour l’égalité des chances lie le retour de cette forme d’antisémitisme à deux événements internationaux: le début de la deuxième Intifada, en octobre 2000, et les attentats du 11 septembre 2001. Des surveillances renforcées ont été mises en place autour des lieux de culte, associations et écoles susceptibles d’être visés par des voyous. Des voyous qui, selon la forte expression de Leïla Chahid, la représentante de l’OLP en France, offrent une seconde victoire à Ariel Sharon, le Premier ministre israélien.

Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Jacques Simonet, bourgmestre d’Anderlecht (MR), ne se fait pas beaucoup d’illusions, faute d’indices, sur l’identification rapide des auteurs de ces actes, confiée à la police locale. « Il faut distinguer, dit-il, entre une poignée de jeunes du quartier qui vivent dans un climat permanent de tension et qui importent un conflit qu’ils connaissent mal, et les fidèles des mosquées, plus âgés, qui ne se sentent pas concernés. Ni les imams ni les responsables musulmans n’exercent un contrôle social suffisant pour mettre un terme à cette poussée d’antisémitisme. C’est irrationnel: ces jeunes sont belges, nés en Belgique, et ils s’identifient à des gens qui se font exploser… »

Le Centre pour l’égalité des chances remarque que ce sentiment se diffuse en catimini auprès de groupes de jeunes issus de l’immigration arabo-musulmane, en contact avec des mouvements politico-religieux intégristes. Il a ainsi déposé plainte contre le Centre islamique de Belgique (CIB) de Molenbeek, qui diffusait sur son site une animation (disparue, depuis lors, avec les excuses du CIB) assimilant le ministre travailliste israélien Daniel Lévy à Hitler. L’arme de la justice, alors ? La loi Moureaux contre le racisme sert déjà de base à plusieurs plaintes contre inconnus, avec constitution de partie civile, dans diverses affaires de type raciste: fusillade contre une mosquée de Turnhout, en octobre 2001, agression contre des scouts juifs d’Anvers et de Bruxelles à l’été 2001, violence contre le grand rabbin de Bruxelles Albert Guigui, en décembre 2001, taggage de bagages juifs à Zaventem, attaque de la synagogue d’Anderlecht…

Le véritable travail à entreprendre, s’accordent à dire les spécialistes, est d’abord éducatif. Dès la rentrée, les établissements scolaires situés dans des zones sensibles vont être ciblés par des campagnes d’explication et d’appel à la tolérance. Exactement comme ce qui s’était fait à Molenbeek, Anderlecht et bien d’autres communes, après les événements du 11 septembre. La communauté arabo-musulmane s’était, alors, sentie visée par l’amalgame entre elle et les terroristes du World Trade Center. Un seul (grave) passage à l’acte avait été signalé: la fusillade contre une mosquée de Turnhout, en Flandre. Avec un extraordinaire déploiement de bonne volonté de part et d’autre, une situation à l’américaine avait pu être évitée.

L’embrasement actuel du sentiment communautaire, tant du côté juif que musulman, ne permet toutefois pas un pronostic aussi optimiste. Le conflit israélo-palestinien a déjà largement débordé du Proche-Orient, d’abord, par la mise en cause répétée des médias par certains membres de la communauté juive, ensuite, par les exactions, de plus en plus graves, commises généralement par des jeunes des quartiers difficiles, à l’égard de personnes et symboles juifs.

Marie-Cécile Royen

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