Les femmes qui ne souhaitent pas encore avoir d’enfants mais aimeraient préserver leurs chances de tomber enceintes dans le futur ont aujourd’hui la possibilité de faire congeler leurs ovocytes. Comment se déroule la procédure, combien coûte-t-elle et jusqu’à quel âge peut-elle être réalisée ?
La décision de faire congeler ses ovules pour plus tard peut être motivée par des considérations personnelles ou médicales. Les femmes atteintes d’un cancer et dont la fertilité risque de se trouver compromise par la chimiothérapie, par exemple, peuvent choisir de se soumettre à cette procédure avant d’entamer le traitement. Chez elles, la congélation d’ovocytes sera aussi intégralement remboursée, ce qui n’est pas le cas pour celles qui y ont recours pour des raisons personnelles : parce qu’elles envisagent d’avoir des enfants mais pas tout de suite, qu’elles n’ont pas encore rencontré l’âme soeur, qu’elles veulent d’abord se concentrer sur leur carrière ou qu’elles ne sont tout simplement pas prêtes.
Un nombre croissant de femmes qui souhaitent attendre un peu avant de fonder une famille font néanmoins appel à cette possibilité, souligne le Dr Michel De Vos, spécialiste de la fertilité, rattaché au centre de médecine de la reproduction de l’UZ Brussel. » Je vois régulièrement des patientes d’une trentaine d’années qui ne ressentent pas encore le besoin d’avoir des enfants mais qui se disent qu’il serait trop bête de ne plus y arriver si elles devaient changer d’avis plus tard. La congélation d’ovocytes leur assure une certaine tranquillité d’esprit. »
Baisse de fertilité
Avec l’âge, notre » stock » d’ovocytes diminue et leur qualité se dégrade. » Toutes nos cellules – y compris les ovocytes – disposent d’une sorte de kit de secours pour réparer les dommages au niveau de l’ADN, explique le Dr De Vos. À
partir d’un certain âge, ce mécanisme perd progressivement de son efficacité. Aussi, après 35 ans, les chances de tomber enceinte diminuent, une éventuelle grossesse se fait attendre plus longtemps et le risque de fausse-couche et de malformations augmente. » Faire congeler ses ovules en temps utile est une manière de contourner ce processus de vieillissement. » En substance, cela revient à appuyer sur pause : la qualité des ovules sera la même qu’au moment où ils ont été congelés. »
Idéalement, il faudrait y penser très jeune, mais à 20 ou 25 ans, on n’envisage pas encore forcément ce genre de scénario. » Idéalement, nous visons donc un public de 30-35 ans – l’âge où les ovocytes sont encore de bonne qualité mais où la baisse de fertilité commence à se profiler à l’horizon, commente le Dr De Vos. Dans les faits, de nombreuses femmes ne viennent toutefois frapper à notre porte qu’après, puisque l’âge moyen dans notre centre est de 36,5 ans. C’est le moment où elles prennent conscience qu’il va devenir de plus en plus difficile de tomber enceintes naturellement et qu’il est temps de prendre des mesures. La limite supérieure est de 40 ans. »
Aucune garantie
Avant le prélèvement de ses ovocytes, la femme doit tout d’abord réaliser tous les jours pendant deux semaines des injections d’hormones qui provoqueront la maturation d’un plus grand nombre d’entre eux. Après prélèvement, ceux-ci sont ensuite vitrifiés (congelés très rapidement) et conservés à basse température. Ils pourront par la suite être dégelés et fécondés par FIV avant d’être implantés dans l’utérus. » Chez environ la moitié des patientes, il suffira d’un cycle de traitement unique pour récolter un nombre suffisant d’ovocytes ; l’autre moitié devra s’y soumettre à plusieurs reprises. Le cycle de traitement recouvre la cure hormonale, le prélèvement des cellules et leur congélation pour une durée de dix ans. Avec une dizaine d’ovocytes prélevés à l’âge de 32 ans, les chances de concevoir seront de 50%. S’ils sont récoltés cinq ans plus tard, elles tombent à 25%. Nous essayons donc idéalement d’obtenir une vingtaine d’ovules, en particulier chez les femmes qui ont déjà plus de 35 ans. Dans notre centre, un cycle de traitement revient à 2700a. »
Le médecin souligne toutefois que le succès n’est jamais garanti. » Nous ne pouvons en effet pas prédire la fertilité des patientes, tout au plus évaluer à l’aide d’une analyse hormonale si elles vont produire beaucoup ou peu d’ovocytes. Il n’est donc pas souhaitable de placer tous ses espoirs dans cette procédure. »
Seule une minorité de patientes utiliseront finalement leurs ovocytes congelés. » Sur les 563 patientes qui ont fait congeler des ovocytes chez nous entre janvier 2009 et novembre 2017, 43 les ont fait décongeler et 14 (environ un tiers) ont réussi à concevoir par cette voie, résume Michel De Vos. Nous leur recommandons toujours d’essayer d’abord la méthode naturelle plutôt que d’avoir d’emblée recours à nos services lorsqu’elles souhaitent fonder une famille. »
Éliminer la pression
Le souhait de conserver ses ovules pour plus tard s’inscrit dans une tendance sociétale plus large. La contraception permet aujourd’hui aux femmes de contrôler leur fécondité et de reporter leur désir d’enfant jusqu’au moment opportun. Dans un contexte où les relations sont souvent moins durables que dans le passé et où il y a plus de célibataires que jamais, trouver un conjoint avec qui fonder une famille peut en effet prendre un certain temps. » Je vois parfois des couples de trentenaires qui ne se connaissent que depuis peu et qui envisagent d’avoir des enfants un jour, mais pas forcément dans l’immédiat. Savoir qu’ils pourront si nécessaire utiliser des ovocytes congelés peut alléger la pression qui pèse sur leur relation. Idem pour les célibataires, qui pourront se permettre d’être plus détendues et n’auront plus besoin d’aborder la question des enfants dès le premier rendez-vous parce que leur horloge biologique tourne… »
Mais certaines femmes risquent de ne pas trouver de soutien dans cette technique : » Si l’analyse hormonale révèle qu’elles n’ont plus beaucoup d’ovocytes, je leur dirai honnêtement que cela n’a aucun sens de dépenser plusieurs milliers d’euros pour un traitement qui n’a guère de chances de réussir. »