Le SPW (Service public wallon) a envoyé un courrier aux 262 communes wallonnes pour les inviter à s’associer à la célébration des résultats du plan Marshall. La lettre n’a pas fait l’unanimité.
Des chiffres, donc. Le plan Marshall (1,2 milliard en quatre ans), c’est, trois ans et demi après son lancement, 27 239 créations d’emplois, 10 991 entreprises bénéficiaires, 115 076 personnes en formation, 1 250 nouveaux chercheurs, 983 102 552 euros investis par les entreprises dans les zones franches (où elles bénéficient d’incitants particuliers). Le gouvernement s’est ainsi adressé un beau bulletin avant les vacances de Pâques : le plan Marshall est selon lui une réussite incontestable, donnée en exemple par la Commission européenne à toutes les régions d’Europe, et salué tant par le patronat que par les syndicats. Et c’est vrai que les interlocuteurs sociaux ne sont pas mécontents. Mais pas enthousiastes, non plus.
Pour l’Union wallonne des entreprises (UWE), le plan Marshall doit servir à structurer l’économie wallonne, pour qu’elle en sorte renforcée à moyen et long terme. » Le gouvernement wallon avait cette obligation de mise en place, et c’est ensuite à tout le monde à entrer dans le jeu « , dit Vincent Reuter, son administrateur délégué, reconnaissant que les entreprises n’ont pas toujours su saisir les opportunités qui leur étaient offertes pour accompagner leurs investissements, ou pour former leur personnel.
Friches industrielles
Raison de plus pour continuer l’effort, en tenant compte des évaluations globalement positives, et des points perfectibles. Par exemple, les friches industrielles. » Assainir des friches, c’est bien, mais pour quoi faire ? » se demande Vincent Reuter. » Il y a une dimension esthétique, importante pour l’image de la Wallonie ; il y a une dimension environnementale et sanitaire, en combattant l’impact que des pollutions peuvent avoir sur la santé des gens. Mais il y a aussi la dimension économique : qu’est-ce qu’on va faire des hectares retrouvés ? «
On a le temps d’y penser, rétorque l’opposition MR, qui relève la faible proportion d’assainissements effectués, et déplore que seulement un tiers des projets soient destinés à une activité économique, le reste étant réservé à l’horeca, aux bureaux, aux loisirs… Les libéraux déplorent aussi » le gaspillage des deniers publics » : le rapport de l’Iweps (Institut wallon d’évaluation, de prospective et de statistiques) constate par exemple, en termes très mesurés, que le plan Marshall » prend en charge des frais de démolition de petits entrepôts pour quelques dizaines ou centaines de milliers d’euros : l’opérateur privé qui exploitera le site pourrait peut-être assumer ce coût dans un certain nombre de cas « .
A plus long terme
» Aujourd’hui, nous avons un bilan de la mise en place des mesures décidées dans le cadre du plan Marshall, poursuit Vincent Reuter, mais il faudra analyser, un jour ou l’autre, leurs effets. » Qui sont espérés. La recherche, par exemple, ne peut donner des résultats immédiats ( lire aussi en p. 50). Le gouvernement wallon met en avant le budget utilisé et le nombre de chercheurs supplémentaires qui ont pu être engagés. Mais avec quels résultats à terme, notamment pour les entreprises ? Sans parler du fait qu’il faut au moins quinze ans pour mettre au point un médicament… L’analyse est assez proche côté syndical. » On nous démontre que les indicateurs ont bien fonctionné, note Marc Becker, secrétaire national de la CSC, mais il n’y a pas assez d’indicateurs de qualité. On nous dit que le plan Marshall a permis x nouvelles formations, mais on ne nous dit pas si elles ont servi ou non. »
Chèques-langues, ou chèques-cadeaux ?
Et on nous dit encore moins si elles ont utilement servi. Ainsi les » chèques-langues » (grand succès !) ont-ils parfois été détournés de leur objectif, qui est de permettre au travailleur d’être mieux armé dans son boulot. Or on en accordé à des employés » méritants « , en guise de bonus. Pour preuve : des chèques-langues ont été commandés par des entreprises où la maîtrise d’une autre langue n’est pas nécessaire (43 % des entreprises wallonnes). Et d’autres entreprises sont très dubitatives quant aux résultats des formations…
MICHEL DELWICHE