Débat : les banques ont-elles compris ?

Les premières mesures de régulation décidées à Bâle semblent bien timides. Quant à l’idée de taxer le secteur bancaire, elle est loin de se concrétiser. Les banques font de la résistance. Ont-elles tiré les leçons de la crise ? Non, dit le Pr Eric De Keuleneer. Oui, selon la Febelfin.

Entretien: TH.D.

Le Vif/ L’Express : Le comité de Bâle III a adopté des règles minimales, en faisant passer le ratio de fonds propres dont doivent disposer les banques de 2 à 4,5 %, avec une réserve de 2,5 %. Est-ce un soulagement pour vous ?

Pamela Renders, porte-parole de la Febelfin, fédération belge du secteur financier : Ce qui nous paraît très positif est que les mesures adoptées à Bâle, le 12 septembre, ne vont pas être imposées d’un coup. Cela se fera par phases. En ce qui concerne le ratio de fonds propres, rien n’est encore définitif, puisque les pays du G 20 doivent encore en discuter en novembre.

Tout de même, les régulateurs de Bâle se sont mis d’accord sur un ratio beaucoup moins contraignant que ce que les banques craignaient…

Encore une fois, il est prématuré de se prononcer. Cela dit, pour nous, l’accord de Bâle, s’il se confirme, constituera un défi important. Le président du comité lui-même l’a dit : les banques devront mobiliser plusieurs centaines de milliards de dollars de capital dans les années à venir.

Il reste néanmoins difficile d’imposer des règles plus contraignantes aux banques, car celles-ci font de la résistance à travers un lobbying intense. Les banques ont-elles tiré les leçons de la crise ?

Le secteur a pris conscience qu’un retour en arrière n’est pas possible. Nous avons souscrit au principe de rendre le système financier plus sûr, plus solide. Le tout est de voir comment atteindre cet objectif : quelles mesures prendre, à quel rythme, etc. Ces questions-là sont en train d’être réglées. Cela prend forcément du temps.

L’argument des banques : si on nous impose des taxes ou des règles trop strictes en matière de liquidité, nous pourrons octroyer moins de crédits et cela ralentira la croissance. N’est-ce pas du chantage ?

On ne peut pas sous-estimer le rôle de moteur que les banques jouent pour l’économie. Prendre des mesures pour sécuriser le système, oui, mais il faut tenir compte des conséquences. Il ne s’agit absolument pas de chantage. Nous voulons avoir une vision globale des mesures envisagées, de leurs coûts pour les banques et de leur impact pour l’économie.

Les nouvelles règles préconisées visent à freiner l’activité spéculative des banques, mais les banques sont-elles vraiment prêtes à ne plus spéculer ?

C’est vrai, beaucoup de décisions vont dans ce sens-là : le corporate governance, les mesures sur les bonus et rémunérations, maintenant Bâle III. Tout cela aura un effet sur le comportement des banques. Le secteur ne s’oppose pas à ce principe. Il veut être et rester un partenaire constructif dans les discussions.

Pourtant, la taxe Tobin, qui est minime et ne cible que la spéculation, connaît beaucoup de détracteurs au sein des grandes banques…

Pas seulement au sein des banques. Au dernier conseil Ecofin, les Etats eux-mêmes ont manifesté des divergences sur la global banking tax et ses composantes. Les discussions doivent continuer, lors du prochain Ecofin le 30 septembre. Certains pays ont émis la crainte de voir certaines activités financières se délocaliser avec une taxe comme la taxe Tobin qui ne fera pas l’unanimité au niveau mondial.

Les spécialistes annoncent l’arrivée de nouveaux produits toxiques. Tout recommence comme avant ? Ou le marché est-il en train de s’assainir ?

Sur le marché belge, en tout cas, on constate des montants records de dépôts auprès des banques, ainsi qu’un volume très élevé de crédits octroyés, notamment aux entreprises. On observe aussi que, de fin août 2008 – soit juste avant le début de la crise – à aujourd’hui, le bilan des banques a diminué de plus de 17 %. Mais le secteur bancaire n’a pas diminué ses activités au détriment des clients belges, puisque, sur cette même période, les actifs des résidents belges ont augmenté de 6,1 % et ceux des résidents étrangers ont baissé de 31 %. Cela montre que les banques ont changé de comportement.

ENTRETIEN : TH.D.

 » le marché belge s’est assaini  » P. renders

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