De la résurrection à la désillusion

Transformés et triomphants au scrutin de 1965, les libéraux retombent de haut à peine trois ans plus tard.

26 MARS 1961, tous aux urnes. La grande grève contre le projet de  » loi unique  » a bien secoué le pays. Les libéraux en campagne montent à leur tour aux barricades. Pour dénoncer la puissance de feu syndicale qui prend l’individu à la gorge. CSC-FGTB, les deux bras d’un même étrangleur : la famille libérale a le verbe assassin.

Herman De Croo, 75 ans, Open VLD. Secrétaire général du PVV en 1965, député depuis mars 1968. Seul parlementaire encore en activité à avoir été élu dans les années 1960.

 » Il ne faut pas croire que les libéraux faisaient de l’anti-syndicalisme primaire. A l’époque, la puissance syndicale était une redoutable réalité, capable de faire tomber un gouvernement. Les gens tremblaient en voyant un leader syndical comme André Renard, foulard rouge autour du cou, haranguer les foules.

Aujourd’hui, cela n’a plus rien à voir avec ce syndicalisme pur et dur : les syndicats ont intégré le système, ils en sont devenus des partenaires. Le capitalisme est tellement entré dans les m£urs syndicales qu’une crise financière est capable de ruiner une organisation syndicale, comme on le voit avec Arco (NDLR : la coopérative financière du Mouvement ouvrier chrétien flamand). Une révolte syndicale, même en Wallonie, ferait rire aujourd’hui. L’Europe ne nous permettrait plus de faire les clowns. « 

Charles Michel, 36 ans, président du MR depuis février 2011.

 » Je découvre ce genre d’affiches avec un certain sourire, et même avec plaisir. On osait alors se montrer féroce. Il y avait deux camps bien identifiés : la gauche et la droite, les cow-boys et les indiens…

J’essaie, pour ma part, de mettre le MR dans une expression forte et claire. Parce que le populisme et l’extrémisme se nourrissent de l’absence de position claire et tranchée de la part des partis démocratiques. Je n’exclus donc pas des campagnes de com’ sous des formes surprenantes, voire décoiffantes.

Le MR a du respect pour le syndicalisme, mais il entend aussi dénoncer le conservatisme au sein de certains syndicats. Sans doute le dirait-on aujourd’hui avec plus de nuances que le message qui figure sur l’affiche… « 

26 MARS 1961, chaud, le rendez-vous électoral. Le climat quasi insurrectionnel qui a mis le pays en ébullition inspire aussi les libéraux en campagne. Le pavé qui fait voler le pays en éclats est censé frapper les esprits.

Herman De Croo.  » L’affiche est passée de mode. Des émeutes aujourd’hui en Belgique, comme il y en a eu lors de la grande grève contre la  » loi unique « , cela n’aurait plus de sens. Je n’envisage plus des manifestations de masse : il y aurait trop de files sur les autoroutes, et pas assez de places de parkings pour accueillir les voitures des manifestants !

Non, vraiment, un climat insurrectionnel ne me paraît plus imaginable chez nous. Tout au plus, pourrait-on craindre de grandes difficultés d’ordre para-religieux ou para-ethnique. « 

Charles Michel.

 » C’est une affiche très liée à un contexte politique particulier. On y voit le parti libéral incarner une forme de stabilité, de barrière face à des mouvements de contestation. Comme beaucoup de gens, j’ai l’intuition que nous n’en sommes pas à l’abri.

Nous sommes à un tournant, à l’échelle européenne. Depuis quatre ou cinq ans, nous vivons une mutation extraordinaire du modèle de développement économique, nous changeons de logiciel. J’espère que cette crise ouvrira l’espace à des réformes indispensables, sans nous confronter à des mouvements sociaux Mais la modification complète de repères, combinée au dérapage des marchés financiers, pourrait déboucher sur un cocktail explosif. « 

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