Ecrivain, auteur de nombreux romans et essais, président de la fondation Positive Planet.

De la modernité du religieux

Plusieurs événements très récents devraient attirer l’attention sur les formidables batailles qui se jouent en ce moment à l’intérieur des principaux courants religieux et sur l’influence géopolitique de ces dernières sur le monde à venir. Dans la plupart des cas, aujourd’hui, ce sont les plus radicaux, les plus fermés, les plus sectaires, les plus réactionnaires qui l’emportent au détriment des plus faibles, des plus cultivés, des plus éclairés. En particulier, aux dépens des femmes et, plus encore, des jeunes filles et des écolières, principal enjeu de ces batailles de pouvoir.

Dans le monde juif, la montée des mouvements les plus sectaires, en Israël comme aux Etats-Unis, pousse le Premier ministre Benyamin Netanyahou à se croire autorisé à prendre la décision scandaleuse et suicidaire d’annexer une partie de la Cisjordanie palestinienne.

Dans le monde chrétien, la puissance croissante des Eglises évangéliques, aux Etats-Unis, au Brésil et dans beaucoup de pays d’Afrique, entraîne une dérive vers l’orthodoxie la plus réactionnaire de toutes les Eglises chrétiennes, y compris l’Eglise catholique, avec des conséquences dramatiques sur les législations sur l’avortement et les politiques moyen-orientales de ces pays.

Dans le monde musulman, la radicalisation croissante d’une fraction minoritaire de l’islam, qui impose son point de vue par la terreur, renvoie de plus en plus les femmes à un statut soumis et les hommes à une haine de l’Occident. A cet égard, il faut suivre avec attention les élections en cours en Inde et à venir en Indonésie, première puissance musulmane du monde (devant l’Inde et le Pakistan) et dont l’influence sur l’islam mondial ne fera que croître.

Dans le monde indien, la radicalisation des hindouistes, flattés par le parti au pouvoir à New Delhi, aiguise le conflit sanglant avec les musulmans, avec des risques considérables de dérapages et de représailles. Et la survivance d’un bouddhisme tibétain totalitaire, qui enferme les enfants pour en faire des moines soumis à leurs aînés, demeure épouvantable.

Paradoxalement, cette radicalisation du religieux provoque, là où ils en ont la liberté, l’éloignement de la majorité des fidèles de leur foi initiale, qui en viennent à chercher, chacun à sa façon, une sécularisation de leurs pratiques. Sauf là où ils sont victimes d’une intolérable intimidation de la part des extrémistes.

Dans un monde troublé, l’incapacité de la démocratie et de l’économie de marché de donner du sens à l’avenir (social, écologique et moral) ouvre la voie à des violences inextinguibles, à de folles barbaries, à des représailles racistes, à des guerres de religion.

Si on veut sauver la démocratie, il est essentiel de donner du sens à la condition humaine et de se battre, avec courage, contre tous les fondamentalismes, contre tous ceux qui veulent imposer à d’autres leur façon de concevoir la foi, contre tous ceux qui veulent renvoyer les femmes à un statut inférieur.

Il est notamment essentiel, partout dans le monde, de se battre pour que les jeunes filles puissent aller à l’école laïque et aient accès à la modernité ; c’est-à-dire pour qu’on ne leur impose aucun signe de soumission religieuse (en particulier aucun voile) ni aucune pratique criminelle (telle l’excision ou le mariage forcé). C’est là que tout se joue, pour les générations présentes et pour les suivantes : faire que les enfants à venir de ces filles, si essentielles à l’avenir du monde, soient libres de choisir leur destin et de vivre sans foi ou avec une foi libre et éclairée.

Sans pour autant transformer la laïcité en une religion supplémentaire aussi totalitaire que les autres. Le chemin est étroit. Il existe.

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