Cybersexe, l’amour du clic

Sur le Net, on peut s’adonner virtuellement aux plaisirs de la chair. De l’autre côté de l’écran, le partenaire est pourtant bien réel. Assiste-t-on à l’émergence d’un nouveau type de sexualité ? Le sexe dématérialisé, c’est encore du sexe ?

Les jeux sexuels sur la Toile se font de moins en moins solitaires. En se connectant sur des sites en apparence bien innocents – MSN pour n’en citer qu’un – l’internaute peut facilement entrer en communication avec un partenaire sexuel, pour une petite partie de jambes en ligne. Du simple chat, qui rappelle l’antique Minitel rose français (3615 Natacha, vous vous souvenez ?) à la webcam en passant par les jeux en ligne style Second Life, le Net multiplie les possibilités de jeux érotiques. Assiste-t-on à l’émergence d’une nouvelle forme de sexualité, qui peut se passer de tout contact physique ? Sans doute pas au regard de la loi (lire l’encadré page 43). Par contre, les adeptes du sexe virtuel ont probablement une vision toute différente.

 » La relation sexuelle commence où l’on décide qu’elle commence, explique Philippe Kempeneers, psychologue et sexologue à l’université de Liège. Certains limitent la relation sexuelle à la pénétration coïtale. C’est une vue étroite de la question. Le sexe peut commencer au premier regard, ou quand on prépare un bon dîner et qu’on met une bouteille de champagne à table. Dès qu’il y a similarité de l’intention de la part des partenaires, on peut considérer qu’il y a relation sexuelle. Ce n’est pas le cas quand on feuillette une revue pornographique. Par contre, s’adonner à des jeux sexuels via une webcam, c’est une relation sexuelle.  » Le sexe peut donc être dématérialisé.  » Mais l’est-il vraiment ? poursuit l’expert. Via le cybersexe, il y a touché visuel, et souvent touché personnel. « 

Sextoys 2.0

Les nouvelles technologies se mettent désormais au service des adeptes du sexe virtuel. Les sextoys 2.0 (disponibles pour les deux sexes) se branchent directement sur un port USB, histoire de permettre au partenaire en ligne d’agir directement sur la zone adéquate en caressant son propre clavier. Autre technique : sur Second Life, la gigantesque plate-forme multi-joueurs, on peut facilement transformer son avatar en un fringant étalon et, moyennant quelques bidouillages, laisser libre cours à ses fantasmes. Le but, c’est quand même de s’inventer une vie. Et autant qu’elle soit sexuellement épanouissante. Lorsqu’on crée un avatar, on ne se duplique pas en tout point, on façonne plutôt  » notre propre corps sublimé « , d’après Philippe Kempeneers. Et pour ceux qui ne pensent qu’à ça, iIternet met à leur disposition le site Red Light Center, une copie  » hard  » de Second Life, qui offre aux mordus du genre un véritable monde entièrement dédié à la luxure en 3D.

Mais c’est parfois au détour de sites plus classiques comme Rendez-vous, MSN ou même Facebook que le sexe online se cache.  » Le pire, c’est Badoo, assure Estelle, experte en sites de rencontres. Les histoires d’amitié, de rencontres, c’est du bla-bla. Tout le monde est là pour le cul. Même Facebook est un gros lieu de partouzards. Je réponds toujours à ceux qui essaient de me brancher qu’il existe des sites spécialisés pour ce genre de rencontres, comme Belswing, un site libertin que j’ai testé, mais qui est beaucoup trop cash pour moi : les gens t’envoient direct une photo d’eux à poil. « 

Accros au sexe en ligne

Tous les chemins du cybersexe ne mènent pas pour autant aux clubs libertins. Une petite conversation anodine via un site de chat peut vite basculer dans le registre érotique.  » C’est ce qui m’est arrivé avec un Anglais rencontré via Facebook, explique Estelle. Après le chat, les mails, on est passé à la webcam. C’était sympa, on a fait quelques jeux érotiques. Par contre, quand je l’ai rencontré, c’était la catastrophe intégrale. Internet, c’est un autre monde.  »  » Un monde virtuel, dans lequel on peut développer tout un imaginaire, abonde Daniel Welzer-Lang, sociologue à l’université de Toulouse. C’est toujours plus difficile de faire une rencontre en face à face.  » Du coup, certains préfèrent vivre leur sexualité en ligne. Jusqu’à, parfois, sombrer dans l’addiction.

Certains adeptes du cybersexe ne peuvent plus s’en passer, au point de ne plus pratiquer le sexe  » physique « . Sur iIternet, ces  » cybersex-addicts  » ont l’impression de tout contrôler, et l’illusion de pouvoir passer d’une conquête à une autre d’un seul clic. Mais le désenchantement n’est jamais loin.  » Les accros au cybersexe sont souvent des personnes qui ont des difficultés à débuter une relation, qui manquent de confiance en eux, commente Philippe Kempeneers. Cette addiction côtoie généralement d’autres pratiques, comme la surconsommation de pornographie et la masturbation à haute dose. Mais l’addiction au cybersexe reste rare : peu de gens parviennent à être satisfaits uniquement via l’outil informatique. « 

C’est clair, le but ultime de la plupart des dragueurs/dragueuses en ligne reste de conclure dans un lit tout ce qu’il y a de plus réel. Pour les aider, la technologie n’a sans doute pas fini de progresser.  » On n’en est qu’à l’adolescence de l’outil informatique, prévient Daniel Welzer-Lang. Les modes d’interaction ont encore une énorme marge de progression. Par exemple, on pourrait imaginer un logiciel téléchargeable sur un téléphone, qui localiserait en permanence les partenaires sexuels que l’on a choisis. S’ils sont à proximité et qu’ils sont disponibles, le logiciel permettrait de leur proposer un rendez-vous.  » Pratique…

G.Q.

Les accros du cyber-sexe manquent souvent de confiance en eux

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