CONTROVERSE

La décision d’abandon du nucléaire est basée sur des vues à court terme et sur des arguments discutables. Cette énergie nucléaire est actuellement à la fois l’énergie la plus propre (émissions en CO2 quasi nulles, volume de déchets très réduits), la moins chère (environ au même niveau que le gaz naturel, même en tenant compte des coûts externes) et très sûre (les centrales belges sont les mieux protégées du monde grâce au système de double enceinte : un accident du type Tchernobyl est impossible).

Le coût du combustible uranium intervient pour une part faible dans le coût total. Celui des énergies fossiles ne fera qu’augmenter au fur et à mesure de leur raréfaction. Sans parler des incertitudes politiques.

Baser la politique énergétique sur les centrales TGV (qui dépendent du gaz naturel) revient à promouvoir l’énergie nucléaire dans les pays de l’Est: ces pays vendent ce combustible pour faire rentrer des devises et mettront en service, en parallèle, des centrales nucléaires pour assurer leurs propres besoins énergétiques.

L’énergie nucléaire pourrait contribuer à diminuer les émissions de CO2 de deux façons. D’une part, l’électricité pourrait davantage être utilisée pour la propulsion électrique dans les villes (augmentation du nombre de métros, de trams, de bus et de voitures électriques). D’autre part, le courant de nuit pourrait être utilisé pour produire – par électrolyse – de l’hydrogène stockable et réutilisable via des piles à combustibles.

Le recours aux énergies fossiles pour la production d’électricité devrait être limité au maximum. Les générations futures en ont besoin pour des utilisations nobles (polymères, plastiques, textiles synthétiques).

Des ressources énergétiques supplémentaires pourraient être créées si l’on redémarrait le retraitement du combustible et si l’on mettait à nouveau au point les surrégénérateurs (combustion du plutonium).

Très sûres, les centrales actuelles de type « PWR » ont un rendement énergétique limité à environ 33 %. La technologie des centrales à haute température permettrait de l’augmenter à environ 50 %, grâce à l’utilisation de l’hélium. Ces centrales, encore plus sûres, sont à l’essai au Japon et bientôt en Afrique du Sud. Leur coût d’investissement est néanmoins plus élevé.

Le conditionnement des déchets nucléaires est, en Belgique, réalisé dans de bonnes conditions. Selon leur nature, ils sont conditionnés dans différentes matrices inertes, qui constituent une première barrière à la dispersion des radioéléments.

Les déchets de faible activité et de faible demi-vie demandent un confinement de l’ordre de trois cents ans. Les déchets à longue demi-vie exigent, eux, un confinement d’une très longue durée. Dans les deux cas, on interpose entre le fût de déchet et l’environnement plusieurs barrières en série. Pour les déchets de faible activité, les barrières ouvragées (sur-emballage, béton, bunker, matériau de couverture) permettent de garantir le confinement. Pour les déchets de longue activité, on choisit, en plus des barrières, un milieu argileux qui garantit une rétention des produits radioactifs dans l’hypothèse où les barrières ouvragées ont disparu. Les solutions techniques existent, les décisions politiques se font attendre.

L’énergie nucléaire est la seule industrie qui gère ses déchets jusqu’à leur enfouissement et qui provisionne en vue du démantèlement de ses installations. Ces coûts sont dès à présent compris dans le coût du kWh, le principe pollueur-payeur étant appliqué à tous les stades.

Les énergies dites renouvelables (éolienne, énergie solaire) peuvent avoir leur place. Elles permettraient de diminuer le problème du CO2, mais leur potentiel en Belgique est limité et leur coût actuel est très élevé. La co-génération a également ses limites et manque singulièrement de souplesse d’utilisation.

La fusion nucléaire est encore loin d’être appliquée mais elle donnerait l’accès à des ressources énormes. Ses déchets seront d’une moins longue durée de vie.

Les économies d’énergie et une meilleure politique de mobilité permettraient également de réduire les émissions polluantes. La taxe sur le CO2 est le premier pas (le plus facile), mais elle devrait servir à mettre en place des infrastructures et des incitants, fiscaux ou autres: RER, transport multimodal, chemin de fer, parkings de dissuasion et covoiturage, flexibilité des horaires, télétravail, etc.

Notre terre existe grâce à l’énergie nucléaire de fusion du soleil: la chaleur interne de la terre est due à la décroissance radioactive de ses constituants. Nous vivons dans un monde radioactif, notre corps étant lui-même naturellement radioactif.

(1) L’auteur s’exprime ici à titre personnel.

par Michel Klein, chercheur au Centre d’étude de l’énergie nucléaire (CEN) de Mol (1).

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