Contre le maire, dans la ville du père

Neuilly, c’est chez lui. Certains esprits chagrins murmurent même que Jean Sarkozy, simple conseiller général du canton sud de la ville, se prendrait pour le maire ! Dans cette ville, dont son père Nicolas fut le maître incontesté pendant presque vingt ans, de 1983 à 2002,  » l’autre « , l’actuel premier édile Jean-Christophe Fromantin, ne serait qu’un usurpateur. Et tous les moyens sont bons pour lui signifier la précarité de sa situation.

En octobre 2008, Jean Sarkozy lance un luxueux mensuel d’une cinquantaine de pages, Neuilly 92 (92 est le numéro du département des Hauts-de-Seine). Il y déroule l’agenda officiel de la municipalité avec la même aisance que s’il en était l’organisateur, multipliant les photos de lui en situation : 27 clichés dans le numéro de novembre, 24 en décembre. Le jeune homme paraît doté du don d’ubiquité – il est partout, et surtout là où il n’est pas invité.  » C’est comme le sparadrap du Capitaine Haddock, constate un adjoint au maire. On a beau secouer les doigts, on ne s’en débarrasse pas ! « 

Le 22 octobre, Jean-Christophe Fromantin présente son mouvement politique, Ma vie ma ville. Mis au courant par quelque indiscrétion, Jean Sarkozy le prend de vitesse en annonçant, quatre jours plus tôt, la création de Génération Neuilly,  » une association intergénérationnelle et apolitique pour s’investir et s’impliquer concrètement dans la vie de la ville « . Sur le dossier emblématique de l’enfouissement d’une route fort fréquentée, Fromantin n’a pas le temps d’évoquer les conclusions d’une commission chargée d’examiner les diverses solutions et leur coût que, déjà, le jeune président du groupe UMP au conseil général fait savoir qu’il a obtenu un rendez-vous avec le ministre concernéà

Depuis des mois, c’est donc la guéguerre à Neuilly-sur-Seine. Car tout a dégénéré très vite entre le fils du président de la République et le successeur du chef de l’Etat à l’hôtel de ville : dès le 3 juillet, lors d’une soirée organisée par l’UMP à Neuilly en présence de Nicolas Sarkozy, la messe était dite. Non seulement le président quitte la salle sitôt son discours prononcé, sans attendre les quelques mots que Fromantin a couchés sur le papier, mais encore encourage-t-il son fils à  » foncer  » :  » N’écoute pas ceux qui te disent d’aller doucementà Va plus vite !  » Ulcéré, le maire abandonne la place :  » Je vous laisse à vos amis « , lance-t-il à Jean en partant.

Depuis, les ministres se succèdent à Neuilly, où ils se bousculent pour participer aux cafés politiques organisés par Monsieur Fils.  » L’UMP, ici, c’est l’Union de la Majorité Pétrifiée « , ironise l’un de ses adversaires, que ce défilé de personnalités venues se faire adouber amuse. Toujours une place est réservée au maire, chaque fois elle reste inoccupée. De part et d’autre, les couteaux sont tirés. l

E. K. et L. V.

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