Congo Nouveau brasier à l’Est : l’ONU impuissante

La Monuc est la plus importante des dix-huit missions actuelles de l’ONU dans le monde. Mais pour qui roule-t-elle ? Les Congolais se posent de plus en plus la question.

A quoi sert la Monuc ? La Mission des Nations unies en République démocratique du Congo coûte un milliard de dollars par an et elle compte aujourd’hui 17 000 hommes. Pourtant, les Congolais s’interrogent depuis longtemps sur son rôle. Depuis qu’elle a été créée en 1999, suite aux accords de Lusaka, elle n’a jamais été en mesure de vraiment rassurer la population. Ainsi, des dizaines de milliers de civils ont à nouveau dû fuir les combats entre l’armée gouvernementale (FARDC) et le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), mené par le rebelle congolais tutsi Laurent Nkunda. La chute de Goma marquerait une défaite cinglante non seulement pour Kinshasa, mais aussi pour les pays occidentaux qui financent la plus importante des dix-huit missions actuelles de l’ONU dans le monde.

Preuve de l’impuissance des forces de la Monuc, son commandant, le général espagnol Vicente Diaz de Villegas, a choisi de démissionner, deux mois seule-ment après sa nomination. Officiellement pour raisons personnelles, mais c’est un secret de polichinelle : le général n’avait pas les moyens de faire face à sa tâche, alors que la Monuc est confrontée à une nette détérioration de la situation. Sollicité pour augmenter les effectifs sur le terrain, le Conseil de sécurité de l’ONU a choisi de ne rien décider. Encore faudrait-il des troupes motivées. Malgré la logistique impressionnante à leur disposition, les Casques bleus, Indiens pour la plupart, refuseraient de prendre des risques pour protéger la population.  » La Monuc est devenue le bouc émissaire pour les échecs des FARDC, réagit François Grignon, directeur Afrique de l’International Crisis Group. L’armée régulière détale devant les forces de Nkunda. Pourquoi l’ONU devrait-elle faire la guerre à sa place ? « 

La Monuc est également accusée de fermer les yeux sur des incursions de militaires rwandais. Le pouvoir en place à Kigali est en effet régulièrement accusé de soutenir Nkunda. Ainsi, des témoins ont signalé l’incursion de bataillons de l’armée régulière rwandaise. Le président rwandais Paul Kagame dément formellement, et préfère dénoncer les alliances entre Kinshasa et les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR, où se retrouvent d’anciens génocidaires), lesquelles menaceraient son pays.  » Si Rwandais il y a sur le terrain congolais, il s’agit surtout de soldats démobilisés ou de jeunes Tutsi recrutés au Rwanda par Nkunda « , précise Grignon. Autrement dit : Kigali laisse faire. Pour le reste, aucune preuve formelle d’un engagement rwandais sur le terrain.

Cette reprise des hostilités est en tout cas un défi lancé au nouveau gouvernement formé par le Premier ministre Adolphe Muzito dix-sept jours après sa nomination, et bien décidé à résoudre le conflit à l’Est. Entre-temps, Louis Michel, commissaire européen au Développement et à l’Aide humanitaire, s’est rendu dare-dare à Kinshasa. Mais si l’urgence humanitaire est évidente, l’est du Congo a surtout besoin d’une solution politique, si l’on ne veut pas voir le conflit perdurer durant des années. Et cette solution passera forcément par une discussion franche avec Kagame et la remise sur les rails des processus de paix de Goma et Nairobi.

Mais les pressions ne seront efficaces que si elles sont communes. Or les Etats-Unis (actuellement aux abonnés absents pour cause d’élection présidentielle) et le Royaume-Uni soutiennent Kagame, lui-même en guerre diplomatique avec Paris… Quant à la Belgique, qui siège jusqu’en décembre au Conseil de sécurité, elle ne dispose pas des leviers suffisants pour exercer une influence significative. Non seulement elle a  » perdu  » le Rwanda, mais suite à la fâcherie entre le ministre des Affaires étrangères Karel De Gucht et le président Kabila, la liaison politique reste très perturbée entre Bruxelles et Kinshasa. l

François Janne d’Othée

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