L'ablation préventive (des deux seins ou du sein en bonne santé après un premier cancer) ne sera envisagée que chez les femmes qui présentent un risque accru. © GETTY

Confidences d’un chirurgien

Quoi de neuf en chirurgie thérapeutique et reconstructrice du cancer du sein? Jan Lamote, chirurgien et coordinateur de la clinique du sein de l’UZ Brussel de 2009 à 2019, nous éclaire.

Les personnes qui doivent être opérées d’une tumeur au sein ont aujourd’hui 2 chances sur 3 de pouvoir bénéficier d’une chirurgie conservatrice épargnant la plus grande partie du sein. Mais si la tumeur est très étendue ou que son volume est important, par exemple, l’amputation restera nécessaire. « Nous pouvons aujourd’hui retirer jusqu’à un quart du sein avec un résultat esthétiquement acceptable grâce principalement à l’oncoplastie, précise Jan Lamote. Développée ces 15 dernières années, elle combine des techniques relevant de l’oncologie et de la chirurgie esthétique pour mieux préserver la forme anatomique du sein. En parallèle, les volumes à retirer ne cessent de diminuer, car les tumeurs peuvent être mieux visualisées, localisées et délimitées ; quant aux cellules cancéreuses résiduelles, elles peuvent être plus efficacement détruites par radiothérapie. En outre, le volume de la tumeur pourra souvent déjà être réduit avant l’intervention grâce à la chimiothérapie. »

Grâce aux évolutions récentes, nous pourrons bientôt traiter le cancer du sein encore plus efficacement tout en limitant le recours à la chirurgie. expert Jan Lamote, coordinateur de la clinique du sein de l’UZ Brussel de 2009 à 2019

Bientôt la fin de la chirurgie du cancer du sein?

Les tumeurs très agressives, en particulier, se réduisent souvent comme peau de chagrin sous l’effet de la chimio préopératoire. Certaines semblent même avoir complètement disparu à l’imagerie… mais même dans ce cas de figure, une opération sera réalisée pour prélever un peu de tissu mammaire autour du « clip repère » utilisé pour marquer la tumeur avant chimiothérapie. À ce jour, seul l’examen microscopique permet en effet d’établir si elle est vraiment complètement partie. « Évidemment, nous préférerions pouvoir le vérifier sans chirurgie, par exemple par biopsie ou ‘ponctions’ dans la zone entourant ce clip. Mais combien faudrait-il en réaliser pour avoir la (quasi-)certitude de ne pas passer à côté d’un résidu de cellules cancéreuses? Une étude est en cours à l’University of Texas MD Anderson Cancer Center pour déterminer si 12 ponctions suffisent. »

Environ 1 sur 5 choisira de bénéficier ensuite d'une reconstruction mammaire ; une décision qui ne se prend pas à la légère, puisqu'elle implique une nouvelle opération.
Environ 1 sur 5 choisira de bénéficier ensuite d’une reconstruction mammaire ; une décision qui ne se prend pas à la légère, puisqu’elle implique une nouvelle opération.© GETTY

Ces recherches, dont les résultats sont attendus vers 2028, cherchent à établir la meilleure stratégie chirurgicale. Actuellement, dans la procédure standard, on recherche quel(s) ganglion(s) drainent en premier la lymphe provenant de la tumeur. Ces ganglions dits « sentinelles » sont ensuite retirés et soumis à un examen microscopique. Si des cellules cancéreuses sont retrouvées dans maximum deux d’entre eux, on ne touchera pas aux autres ganglions axillaires: la radiothérapie est alors tout aussi efficace, avec un risque sensiblement moindre d’effets secondaires tels qu’un lymphoedème ou « gros bras ». La décision de procéder ou non à un curage ganglionnaire complet n’est donc prise qu’au moment de l’opération, « sauf lorsque des ganglions suspects sont identifiés dès le diagnostic et que l’atteinte est confirmée par un examen microscopique, précise Jan Lamote. Nous décidons alors d’emblée qu’un curage ganglionnaire complet sera réalisé au cours de l’intervention, quel que soit l’effet de la chimiothérapie préopératoire. » L’étude américaine évoquée plus haut adopte une approche différente: « Les ganglions atteints au moment du diagnostic sont simplement marqués. S’il s’avère ensuite, lors de l’opération, que seuls des ganglions sentinelles ont été marqués, alors la procédure du ganglion sentinelle permettra d’établir si un curage complet est vraiment nécessaire. Dans le meilleur des cas, il sera donc possible de préserver non seulement l’entièreté du sein, mais aussi tous les ganglions axillaires à l’exception des ganglions sentinelles. Grâce à ces évolutions, nous pourrons dans le futur traiter le cancer du sein encore plus efficacement tout en limitant le recours à la chirurgie. »

Reconstruction: prothèse ou tissu propre?

Mais pour l’heure, la plupart des personnes qui souffrent d’un cancer du sein doivent encore être opérées. Environ 1 sur 5 choisira de bénéficier ensuite d’une reconstruction mammaire ; une décision qui ne se prend pas à la légère, puisqu’elle implique une nouvelle opération. Il convient donc d’informer soigneusement la patiente des options possibles avant l’intervention visant à retirer la tumeur, car dans certains cas, la reconstruction peut se faire simultanément.

« Dans environ la moitié des cas, nous plaçons une prothèse derrière le muscle pectoral. Le plus souvent, nous commençons par placer une prothèse ‘d’expansion’ provisoire qui permet, par l’adjonction régulière de liquide, d’étirer progressivement le muscle et la peau. Ce n’est que quelques mois plus tard, après la fin de la radiothérapie, que la prothèse définitive, remplie de silicone ou de liquide physiologique, est placée. De plus en plus de femmes préfèrent toutefois une reconstruction au moyen de leurs propres tissus corporels. Dans ce cas, nous prélevons de la peau, de la graisse et quelques vaisseaux sanguins à un autre endroit du corps, généralement dans le bas-ventre. Ce lambeau est ensuite greffé sur le thorax et ses vaisseaux sont connectés à ceux du sein. Dans le futur, il n’est pas exclu que nous évoluions vers une technique de reconstruction basée sur l’injection, dans le sein opéré, de cellules-souches provenant du tissu adipeux de la patiente, accompagnées d’une structure ‘porteuse’ qui les aidera survivre et les poussera à se différencier en adipocytes, à se développer et à se multiplier. »

Confidences d'un chirurgien

La reconstruction au moyen de tissus propres prend plusieurs heures et est beaucoup plus complexe que le placement d’une prothèse. « Le remboursement en tient compte, mais mieux vaut tout de même se renseigner à l’avance sur le prix de l’intervention et sur la quote-part personnelle à acquitter », conseille Jan Lamote.

Peser le pour et le contre

Pour choisir en connaissance de cause, si les deux techniques sont envisageables, il faut s’informer sur leurs possibles complications. « Leur fréquence est difficile à quantifier de manière univoque, parce qu’elle dépend non seulement de la technique mais aussi de facteurs individuels. Parlez-en avec votre chirurgien. On peut néanmoins dire que puisque la prothèse est un corps étranger, elle accroît le risque d’infection et d’oedème. Tôt ou tard, le tissu cicatriciel qui l’entoure va aussi s’épaissir, se rigidifier et se contracter de façon plus ou moins marquée, ce qui peut provoquer des déformations et des douleurs. Usure aidant, des fuites ou déchirures sont également possibles… sans compter que la prothèse devra de toute façon être remplacée après 7 à 10 ans. La reconstruction à partir de tissus propres donne un résultat plus naturel sur le plan aussi bien visuel que tactile. C’est aussi une solution à vie, mais le rétablissement est plus lent et il y aura évidemment toujours une cicatrice à l’endroit où le lambeau a été prélevé. Le risque de thrombose est aussi accru juste après l’opération, en particulier là où les vaisseaux sanguins ont été raccordés. Très rarement, il peut arriver que la circulation sanguine ne se rétablisse pas et que le tissu greffé soit irrémédiablement perdu. »

L’amputation préventive

La chirurgie et la reconstruction mammaires ne sont jamais exemptes de complications. « L’ablation préventive des deux seins ou du sein en bonne santé après un premier cancer ne sera donc envisagée que chez les femmes qui présentent un risque accru, notamment lorsqu’elles sont porteuses d’une mutation du gène BRCA1 ou BRCA2, ou qui présentent un risque familial », conclut Jan Lamote.

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