Comptes à l’étranger : la fin d’une époque ?

L’évasion fiscale via des placements à l’étranger devient un exercice de plus en plus périlleux. Les paradis fiscaux ne devraient pas s’en retrouver complètement désertés de sitôt.

OffshoreLeaks, affaire Cahuzac, nouvelle amnistie fiscale pour les fraudeurs belges, fin du secret bancaire négociée avec le Luxembourg et l’Autriche… Sale temps pour l’optimisation fiscale (et pas toujours légale) des gros portefeuilles ! Placer son argent à l’étranger pour échapper au prélèvement du précompte mobilier semble devenir un exercice de plus en plus périlleux. Et de plus en plus condamnable aux yeux de l’opinion. Même si rechercher un accueil financier au-delà de nos frontières n’a rien de répréhensible en soi, à condition de le déclarer. Jadis, beaucoup  » oubliaient  » de le faire…

 » Sauf à pouvoir mettre en place des montages fiscaux très ingénieux, il sera de plus en plus difficile de frauder, note Test-Achats dans sa revue Invest. L’Etat belge le sait. Et ce n’est sans doute pas un hasard si la prochaine DLU (NDLR : déclaration libératoire unique, la troisième du nom), qui débutera en juillet, sera moins avantageuse que l’actuelle.  » Une amende de 15 % (et non plus de 10 %) en plus de l’impôt, jusqu’à 20 % et 35 % de taxation du capital en cas de fraude grave, sans oublier l’obligation d’expliquer au fisc comment les intéressés sont parvenus à passer entre les mailles… Paradoxalement, les exilés fiscaux auraient bien compris leur intérêt d’échapper à ce futur nouveau système : depuis quelques mois, les cabinets spécialisés seraient pris d’assaut par les contribuables en quête de repentir. Rien que pour les trois premiers mois de 2013, 187 millions d’euros auraient été rapatriés et régularisés, dont la moitié en mars. Depuis 2006, les Belges ont ramené au pays 2,6 milliards d’euros.

Conservés par tradition

Ces gens  » sont souvent étonnés du peu qu’ils ont gagné, affirme Thierry Afschrift, avocat fiscaliste et professeur à l’ULB. Vu que les taux d’intérêt sont bas, ils n’auraient pas dû payer beaucoup plus de précompte en Belgique. Le jeu n’en valait plus la chandelle.  » Mais les tricheurs ne seraient majoritairement pas les grosses fortunes que l’on imagine. Plutôt des épargnants à la moyenne d’âge relativement élevée, selon le spécialiste, qui auraient conservé leurs comptes à l’étranger par tradition.

Quant aux placements offshore, ils se seraient répandus ces dernières années suite à l’obligation de percevoir un précompte européen sur les intérêts.  » Si les personnes possédaient un compte d’une société au Panama, elles y échappaient puisque c’était hors Union européenne. Du coup, des tas de gens se sont retrouvés affublés de sociétés offshores, présentées par leurs banquiers comme un simple objet alors que ce n’est pas du tout banal. Même si l’on retrouve aussi sur ce marché de très gros fraudeurs.  »

La prochaine sévérité des règles marque-t-elle la fin de l’âge d’or des paradis fiscaux ? Pas forcément. Les banques elles-mêmes (par exemple en Suisse) pousseraient les détenteurs de comptes à clarifier leur situation. Car elles auraient compris que la régularisation belge était possible sans un nécessaire rapatriement des fonds et donc sans perdre leur clientèle.

 » Car même si l’avantage fiscal illégal disparaît, note Thierry Afschrift, ces banques mettent en avant d’autres arguments. Comme leur sérieux. Elles prétendent – à tort ou à raison – avoir une meilleure expertise au niveau de la gestion et clament qu’un scénario à la chypriote serait impossible dans leur pays. Cela peut trouver écho auprès de ceux qui se méfient du système bancaire. Aussi, le secret bancaire subsistera sur d’autres aspects que le plan fiscal.  » Les amateurs de discrétion n’en ont peut-être pas tout à fait fini avec leurs comptes à l’étranger…

M. Gs

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