C’est la bonne nouvelle de la rentrée : l’interprète de Besoin de personne est toujours là. Et son nouvel album, Plusieurs Lunes, convaincant. Explications en trois titres par l’auteure elle-même.
Son tube Chanson sur ma drôle de vie (1972), la chanson clé du film Tout ce qui brille, l’a ramenée dans les hit-parades. Le titre semblait prémonitoire : Sanson, un talent fou, une carrière cabossée, des drames intimesà Là revoilà, en pleine forme musicale, avec Plusieurs Lunes, un disque où l’on retrouve son style à vif, du swing, des nuits bleues, des partis pris. Pour Le Vif/L’Express, celle que Stephen Stills qualifiait de » fille d’Edith Piaf avec la main d’un joueur de blues » explique trois de ses nouveaux morceaux. En allumant cigarette sur cigarette.
Vols d’horizons (Paroles : Véronique Sanson ; musique : Véronique Sansonet Mehdi Benjelloun)
» […] Si vous êtres tranquilles / Pas moi / Qui peut dire qu’on savait pas / Exciser les filles / D’un coup de lame intime / Pourquoi ? / Pour leur voler l’horizon / Ils mettent leur visage en prison / L’air de rien, menteurs, assassins / Ils n’ont vraiment peur de rien / Invisibles toutes ces vies broyées / Effroyable humanité […] «
» Moi qui généralement ne mâche pas mes mots, je les ai bien ruminés pour évoquer l’excision. Ce texte vivait en moi depuis longtemps : je me suis d’abord documentée, j’ai lu beaucoup de témoignages et j’ai eu besoin de coucher sur le papier ce que je ressentais. J’avais fait la même démarche avec Allah, une chanson qui était une prière et non pas une offense. Je ne pouvais pas interpréter Vols d’horizons comme si de rien n’était, le propos est si lourd. La musique devait être aérienne, la voix détimbrée et les ch£urs aussi ; un doux mélange d’Afrique et d’Orient. «
Je veux être un homme (Paroles : Véronique Sanson ; musique : Mehdi Benjelloun)
» Je veux être un homme / Juste une fois dans ma vie / Avec une vie en morceaux / Et des morceaux de vie / Besoin de personne / Y’a quelqu’un qui l’a dit / Autour de miroirs fragiles […] «
» J’ai été, et je suis encore, un garçon manqué. Peut-être parce que mon père rêvait d’avoir un fils. J’ai un plaisir fou à dire ces mots – « Je veux être un homme » – même si j’adore être une femme. Je parle toujours de moi entre les lignes et parfois même très directement. Par exemple, dans Sale P’tite Mélodie, où je chante : « Je resterai toujours Sanson. » Pour une fille, garder le nom de son père est une forme d’engagement. Quand j’étais mariée, je m’appelais Sanson-Stills. C’est marrant, on me demande souvent si Sanson est un pseudonyme. Mais je n’aurais jamais pensé m’appeler « sans (le) son » ! J’ai composé cette chanson, comme beaucoup d’autres, avec Mehdi Benjelloun. Longtemps, par orgueil, j’ai refusé les collaborations. Cette fois, je me suis laissé bercer dans un fauteuil confortable. Comme d’habitude, la mélodie m’a portée, j’ai eu l’idée d’un mot et tout s’est enchaîné. Le phrasé ne vient qu’après. Le français est une langue si difficile à faire sonner. «
Qu’on me pardonne (Paroles et musique : Violaine Sanson-Tricard)
» […] Qu’on me pardonne ou qu’on m’oublie / Je voyage au bout de ma nuit / Mais qu’on me pardonne ou qu’on m’oublie / Mais qu’on me prenne pour qui je suis / Souvent par jeu, pour d’autres hommes, j’ai tout plaqué / Des amours vénéneuses ou insensées / J’ai passé ma vie à fuir / Passé ma vie à partir / Semé la désolation / Sans compassion […] «
» Ma s£ur, Violaine, l’a écrite pour moi, mais elle n’a pas osé me la montrer. Alors, elle l’a proposée à Johnny, qui ne l’a pas gardée. Je l’ai reprise. Je connais peu Johnny, mais je pense que nous avons en commun un côté indestructible. Le texte est très poignant, plein de douleur. J’en parle avec d’autant plus de facilité que je n’en suis pas l’auteure. Dans une autre chanson, Tout dépend d’elle (Hymne à la mort), je confesse aussi combien j’ai appelé la mort toute ma vie et que j’ai dû lui faire bien peur, sinon elle m’aurait emportée depuis un moment. Alors, oui, qu’on me pardonne toutes mes exactions ou qu’on m’oublie. Tout ça m’est bien égal. «
Plusieurs Lunes (Warner).
Propos recueillis par Gilles Médioni