Claude Desama  » Orès, c’est une sorte de modèle « 

L’opérateur Orès, l’anti-Tecteo ? Un seul métier – la gestion des réseaux de gaz et d’électricité – et le respect des règles, ça change. Entretien avec son président, Claude Desama (PS).

On n’a jamais autant parlé de privatisation des intercommunales ! Tecteo, détenue à 100 % par les pouvoirs publics (Province de Liège et 76 communes) a déjà franchi le Rubicon en logeant ses activités de management dans Tecteo Services SA. Sa consoeur Orès, qui chapeaute huit intercommunales mixtes de distribution de gaz et d’électricité, est également demandeuse d’un nouveau statut. Car Orès s’est engagée dans un processus de fusion des gestionnaires de réseau de distribution (GRD) wallons qui permettra l’entrée de partenaires privés dans son capital, une fois que l’opérateur historique, Electrabel, aura définitivement retiré ses billes. Mais le parallélisme entre Tecteo et Orès s’arrête là : Orès fait figure d’élève modèle alors que Tecteo serait le chenapan de la classe. Entretien avec Claude Desama, le président d’Orès, ancien bourgmestre socialiste de Verviers.

Le Vif/L’Express : Où en est la fusion des réseaux de distribution de gaz et d’électricité ?

Claude Desama : En octobre, les conseils communaux doivent se prononcer. Fin novembre, la fusion des GRD pourrait être effective, ce qui donnera à Orès la maîtrise de 80 à 85 % des réseaux d’électricité en Wallonie et 70 % des canalisations de gaz. A l’horizon 2018, si Electrabel quitte le secteur, nous aurons sans doute besoin d’un nouveau partenaire privé. Des approches ont été faites à l’initiative de fonds de pension canadien et chinois. On a convenu de se revoir après la fusion des GRD. Actuellement, les communes disposent de 75 % du capital d’Orès, le reste allant à Electrabel. A titre personnel, je crois que les communes pourraient rester à 60-65 %, en conservant la maîtrise stratégique de l’outil mais en allégeant la note si des investissements importants devaient être réalisés. La réflexion se poursuit en interne.

Y aura-t-il un alignement des tarifs pour les consommateurs ? Certains le craignent vers le haut…

Rien ne va changer. Dans le projet initial, il était question de rétablir la péréquation supprimée par le ministre de l’Energie d’alors, José Darras (Ecolo), mais nous y avons renoncé. Les tarifs vont rester identiques, sauf si le gouvernement wallon revient à l’ancien système. Le gouvernement fédéral a déposé un projet de loi qui prévoit qu’en cas de fusion, les territoires couverts par les actuels GRD conserveront leurs tarifs.

Quels sont les investissements qui justifient le recours éventuel au privé ?

Etant donné la frilosité des banques, nous avons déjà lancé un emprunt obligataire auprès des épargnants. Ceux-ci ont très bien réagi et nous avons obtenu en quelques jours les 300 millions escomptés, l’offre atteignant même bien davantage. Donc, si l’opération se répète, nous pouvons compter sur un apport d’argent frais pour adapter nos réseaux aux énergies renouvelables, assurer le développement de la gestion automatique des réseaux (smart grid) et la mise en place chez les particuliers de compteurs intelligents qui permettront de gérer des sources d’énergie intermittentes, comme le solaire ou l’éolien. C’est un grand projet industriel, fondé sur les télécommunications, et qui demande des investissements importants. Des projets-pilotes se déroulent à Flobecq, Marche et Nivelles. D’ici à deux ou trois ans, nous pourrons tirer les conclusions de ces expériences et voir si un partenaire financier est utile et nécessaire. Mais entendons-nous bien : les communes garderont la maîtrise d’Orès et il faudra un accord du gouvernement et du Parlement wallon pour faire entrer un partenaire privé dans le capital d’Orès, puisque la part des associés communaux (75 %) est fixée par décret.

Orès peut-il s’affranchir de la Région wallonne pour fusionner ses GRD ?

La fusion ne nécessite pas un décret. Bien que nous soyons une intercommunale bi-régionale, à cause de la présence parmi nos membres de Fouron, nous n’allons pas dire à la tutelle :  » Ceci ne vous regarde pas « … Nous voulons travailler ensemble. En outre, le nombre d’administrateurs va diminuer de moitié, passant d’environ 300 à 125 postes. Financièrement, ça ne représente pas une économie importante mais cela a une portée symbolique incontestable.

Une intercommunale qui réduit les mandats… C’est presque une leçon à Tecteo, ça ? A ce propos, avez-vous communiqué à la Région wallonne la rémunération des mandats des administrateurs et des dirigeants d’Orès ?

Le modèle est différent. Tecteo comprend plusieurs secteurs : la distribution d’énergie, Voo, des participations dans la production d’énergie, etc. Nous sommes uniquement gestionnaires de réseaux d’électricité et de gaz. Tecteo est une intercommunale pure. Nous sommes très attachés à notre caractère mixte et au contrôle exercé par les communes. J’ai poussé à la fusion des intercommunales de GRD pour éviter qu’elle ne deviennent des organismes d’intérêt public (OIP), un type d’association comme celui de la Société wallonne de l’Eau, où les communes n’ont plus rien à dire, la Région décidant de tout.

En ce qui concerne les rémunérations, le président perçoit annuellement environ 28 000 euros. Cela rémunère évidemment des prestations. En moyenne, je suis présent un jour par semaine à mon bureau Orès. A quoi s’ajoutent des contacts réguliers avec l’administrateur délégué (NDLR : Fernand Grifnée, CDH). Ces montants sont bruts, donc soumis à l’impôt, comme tous les revenus. En ce qui concerne l’administrateur délégué, il s’agit d’une fonction dans une société privée qui n’est, à cet égard, pas soumise à limitations légales. Sa rémunération est tout à fait compatible avec les règles suggérées par le gouvernement fédéral en matière d’entreprises publiques.

L’intercommunale liégeoise Ecetia (Tecteo) a donné un solide coup de main au gouvernement wallon en lui prêtant 200 millions d’euros pour payer la  » bulle du photovoltaïque « . Et vous ?

Le gouvernement était à la recherche d’un opérateur financier. Il y avait chez lui la tentation de nous demander de l’argent mais c’était hors de question sous peine de faire exploser nos tarifs d’électricité. Il a demandé 200 millions d’euros à l’intercommunale Ecetia, en passe d’être reprise par Tecteo, mais ce ne sera pas assez. C’est une solution à court terme. En conclusion, je considère Orès comme une sorte de modèle. Je parle de sa structure juridique, dont le législateur wallon pourrait s’inspirer pour définir le nouveau cadre dans lequel devraient s’inscrire les entreprises supra-communales, publiques ou mixtes.

Entretien : M.-C.R.

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