La Bourse de Bruxelles n’a pas encore trouvé sa réaffectation définitive mais la première étape de la nouvelle vie de ce lieu emblématique s’amorce en juillet, avec le festival Bourse Intermezzo’s 2012.
» La Bourse, mais c’est mon quartier, à 50 mètres de chez moi, je passe devant tous les jours « , sourit la pianiste Eliane Reyes, une des artistes invitées du festival Bourse/Beurs Intermezzo’s 2012. » Une grande bâtisse si familière et pourtant, je n’y suis jamais entrée. Pour moi, c’est un endroit mythique, j’ai hâte de découvrir l’intérieur. » Cette réaction de la jeune artiste, beaucoup de Bruxellois et de Belges pourraient se l’approprier. La Bourse fait partie de notre imaginaire collectif. Ses frontons, ses colonnes à la grecque, et sa fonction de temple de la finance où se jouait la litanie des cours en hausse ou en baisse égrenée au quotidien. Images désuètes des courtiers nerveux qui s’agitent dans un indescriptible désordre. Mais qui s’est réellement aventuré à l’intérieur ?
» Notre festival de juillet concrétise bien la volonté de rendre à la Bourse son caractère public « , explique Olivier Mees, directeur du Brussels Major Events qui a reçu de la Ville de Bruxelles le mandat de réinventer culturellement la Bourse. » Euronext garde un quart du bâtiment, le reste est à notre disposition. Le lieu, et surtout le formidable atrium couvert d’une coupole, est fort impressionnant. » Et chargé d’histoire, il a abrité, par exemple, le retour triomphal de Stanley, accueilli en héros à son retour du Congo. En fait, le bâtiment résulte d’une volonté commune du roi Léopold II et du bourgmestre Anspach. Dessiné par l’architecte Léon Suy, il est inauguré en 1873. Fin 2011, la ville de Bruxelles récupère la pleine propriété du lieu. Elle décide sa réhabilitation culturelle. » On a déjà essayé quelques petits concerts, mais là on va voir comment le lieu vibre vraiment avec le public, souligne Mees. Ce Bourse Intermezzo’s, c’est un peu les retrouvailles d’un patrimoine, souvent jugé mystérieux, avec son public. «
Le festival devrait donc permettre au public d’apprivoiser ce nouvel espace culturel majestueux mais un rien déconcertant. Le concept du Bourse Intermezzo’s ? » Nous recherchons un déploiement musical qui s’adapte bien au lieu tout en jouant la carte du dialogue entre les musiques. Ici nous avons choisi classique et jazz « , explique Olivier Mees. Quand on découvre la hauteur des plafonds et le volume de la salle de l’atrium, on se pose immédiatement la question de l’acoustique. » Nous avons £uvré pour que cela sonne très bien. Mais il faut éviter une amplification trop appuyée, ou des ensembles trop grands. » La formule où alternent petites formations de jazz et solistes classiques convient donc très bien. Elle s’inscrit aussi bien dans un air du temps où les frontières musicales passent pour plutôt ringardes. » J’ai transposé dans Bourse Intermezzo l’esprit d’éclectisme qui prévaut dans une manifestation qui lui est proche, le Brussel Summer festival « , prolonge Olivier Mees. Esprit d’alternance encore : le juillet de la Bourse concilie déploiement musical et gastronomie. Pour que le public puisse se sentir plus à l’aise, les organisateurs ont choisi la formule conviviale du dîner spectacle. Les soirées du samedi sont placées sous le signe du » walking jazz » : les gens se restaurent, puis on s’immerge dans le jazz. Le dimanche, c’est jour du seigneur, de classique et de brunch. Avec le » Sunday classic brunch « , le système s’inverse : d’abord écouter la musique, manger après… » Tout est prévu pour neutraliser les bruits parasites pendant les concerts, assure Olivier Mees. Je sais que les artistes détestent les cliquetis des couverts et assiettes. Du reste, le public peut fort bien n’acheter une place que pour le seul concert, il ne lui en coûtera alors que 15 euros au lieu de 29. «
Le programme ne manque pas d’allure. Côté jazz, la chanteuse belge Fanny Bériaux essuie les plâtres. Une jeune artiste protéiforme qui conjugue les accents blues d’une Cassandra Wilson et l’influence d’une Anita O’day. Et un caractère avec ça : » Je suis avant tout une chanteuse, plus qu’une chanteuse de jazz ! » Pour Fanny, c’est une grosse différence. » Je dois beaucoup au jazz, mais je cherche l’accessibilité avec le format chanson auquel je me tiens. Conséquence : dans mes concerts, pas d’impros des différents instrumentistes ! » Le 14 juillet verra Steve Houben (sax et flûte) entrer en dialogue avec son rejeton Greg, à la trompette et au chant. Pour le 28 juillet, c’est encore du belge et du solide avec Sal La Rocca quartet. Le top de la contrebasse swing et groove, encore tout auréolé du succès de son deuxième album chez Igloo : It Could Be the End.
Aquatique
Côté classique, on retrouve Eliane Reyes dès le dimanche 8 juillet. Dans la partie solo de son programme, elle déclinera les £uvres » aquatiques » de haute virtuosité qui figurent sur son tout récent disque : Jeux d’eau à la villa d’Este de Liszt, Barcarolle de Chopin, Jeux d’eau de Ravel. Son interprétation de ces pièces vient de susciter l’enthousiasme au festival de Lugano. Eliane y était choyée par Martha Argerich en personne… » Je suis encore sur mon nuage de Lugano, pétille -t-elle. Mais j’ai hâte de tester ce programme sous la coupole de la Bourse. » Elle jouera aussi en duo avec le violoncelliste David Cohen qui multiplie les prix internationaux. Le dimanche 15 juillet, le festival accueille le pianiste français Franck Braley qui se considère comme Belge de c£ur depuis son premier prix au concours Reine Elisabeth de 1991. Une musicalité à la fois fine et lumineuse qui lui vaut une place réellement singulière dans l’élite du piano classique d’aujourd’hui. Ambiance oblige, il jouera notamment Rhapsody in Blue, de Gershwin. Le dimanche 29 juillet, place au baroque avec le contre-ténor Dominique Corbiau, accompagné par la harpe de Hannelore Devaere. Mélodies trans- européennes de Dowland, Albinoni, Haendel…
Bourse/Beurs Intermezzo’s 2012, Saturday Walking Jazz & Sunday Classic Brunch. Trois week-ends de juillet : les 7/8, 14/15, 28/29. www.bourse-intermezzos.be
PHILIPPE MARION