Ci-gît Garcia Lorca ?

Le juge Garzon pourrait donner bientôt le feu vert à l’exhumation du poète assassiné en 1936.

Laura Garcia Lorca a fini par dire oui, au nom de la famille : d’accord pour exhumer les restes de son grand-oncle, l’immense poète espagnol Federico Garcia Lorca, assassiné dans la nuit du 17 au 18 août 1936, à peine un mois après le coup d’Etat franquiste.

L’auteur du célèbre Romancero gitan venait d’avoir 38 ans. Avec lui, trois autres hommes, dont le maître d’école Dioscoro Galindo, furent également fusillés et enterrés à la va-vite dans ce ravin situé entre les villages d’Alfacar et de Viznar, près de Grenade. Un lieu devenu le parc Federico-Garcia-Lorca, avec une stèle à sa mémoire et à celle de  » toutes les victimes de la guerre civile « .

L’opposition des six ayants droit

C’est l’endroit qu’un paysan du coin avait désigné, il y a plus de trente ans, à Ian Gibson, historien espagnol d’origine irlandaise, spécialiste de la guerre civile et auteur, en 1971, d’un essai de référence sur la vie et la mort de Federico Garcia Lorca.  » Je ne vois pas pourquoi ce paysan m’aurait menti, c’est lui qui avait été chargé de faire disparaître les corps « , souligne aujourd’hui Ian Gibson, contacté par Le Vif/L’Express.  » Evidemment, il n’y a pas de certitude scientifique. D’où l’intérêt de procéder à une excavation pour en avoir le c£ur net. « 

Les six ayants droit de Garcia Lorca s’opposaient à l’ouverture de la fosse depuis plusieurs années, au motif que cela n’apporterait rien à l’Histoire. Ce n’est pas l’avis de Ian Gibson :  » Il manque beaucoup d’éléments concernant la mort de Garcia Lorca. A-t-il été torturé, comme je le pense ? A-t-il vraiment reçu ces deux balles dans les fesses qu’un lieutenant se vantait de lui avoir tiré, par mépris de l’homosexualité affichée du poète ? Un autre lui a-t-il vraiment donné un coup à la tête avec la crosse d’un fusil ? Je suis sûr que sa mort fut horrible et que ses assassins se sont acharnés sur lui, certains par devoir, d’autres par plaisir. Je l’imagine insulté, tabassé, en cette nuit sans lune, à la seule lumière des phares d’une voiture. Une exhumation de ses restes permettrait de recueillir des indices. « 

Et de mettre fin aux innombrables rumeurs qui entourent la mort du poète, dont celle qui soupçonne la famille de Lorca d’avoir immédiatement récupéré sa dépouille, moyennant finances, pour l’enterrer dans sa propriété de Huerta San Vicente. D’où ce refus de laisser ouvrir la fosse d’Alfacarà

Mais c’est finalement l’obstination de Nieves Galindo, la petite-fille de Dioscoro Galindo, soucieuse de pouvoir enfin enterrer son grand-père auprès de son épouse, qui l’a emporté.  » Le dossier est entre les mains du juge Baltasar Garzon, indique Ian Gibson. Nous avons bon espoir qu’il se prononce rapidement pour l’exhumation. Les partisans de Franco, eux, ont tout de suite eu le droit de récupérer leurs morts. Il serait temps que les victimes du franquisme aient aussi ce droit. Personne ne crie vengeance, il est juste question d’offrir aux siens une sépulture digne. « 

D. P.

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