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« Choisir des modèles politiques qui correspondent aux sociétés qu’on veut construire »

Quelles solutions au désenchantement démocratique? Les réponses de Gilles Olakounlé Yabi, analyste politique et président du think tank Wathi.

Comment lutter contre l’essoufflement démocratique observé en Afrique?

Pour moi, le vrai questionnement réside dans l’équivalence que beaucoup établissent entre la démocratie et la tenue d’élections. Il faut certes s’intéresser à la qualité des processus électoraux. Mais plus profondément, il faut promouvoir toutes les dimensions non électorales de la démocratie parce qu’elles sont aussi importantes que l’élection et elles leur donnent du sens. S’il n’y a pas d’investissements permanents dans l’éducation civique, s’il n’y a pas une réflexion sur l’organisation des partis politiques, sur la démocratie au sein de ces partis, sur le financement des activités politiques, s’il n’y a pas de débat public sur les questions les plus importantes et, de ce fait, une amélioration de l’offre politique, je ne pense pas que la simple organisation d’élections permette d’avoir des démocraties effectives, productrices de sens pour les populations.

La simple organisation d’élections ne permet pas d’avoir des démocraties effectives.

La Chine ou la Russie, par leur présence croissante, nuisent-elles à la démocratie en Afrique?

La difficulté de développer des systèmes démocratiques dans beaucoup de pays africains n’est pas liée à l’existence de modèles politiques alternatifs, offerts notamment par la Chine et, dans une moindre mesure, par la Russie. Mais il est très clair aussi que l’exemple chinois entretient l’idée que l’on peut connaître un développement économique rapide sans régime démocratique. Les acteurs politiques africains qui ne croient pas vraiment aux valeurs démocratiques sont contents d’avoir des modèles alternatifs qui puissent être opposés à l’idéal démocratique. Cela étant dit, il faut aussi arrêter de penser que, d’un côté, on a la Chine et la Russie qui ne promeuvent pas la démocratie et, de l’autre, les pays occidentaux qui sont des grands défenseurs de la démocratie. Il faut distinguer le discours et la pratique. Lorsqu’on observe l’évolution des pays africains dans une longue durée, on sait très bien que beaucoup de pouvoirs occidentaux, notamment d’anciennes puissances coloniales, ont soutenu des pouvoirs qui n’étaient absolument pas démocratiques. Une lecture historique plus juste est nécessaire. Les puissances, y compris celles qui proclament les valeurs démocratiques, défendent surtout leurs intérêts, y compris en soutenant des pouvoirs qui ne sont absolument pas démocratiques et sont parfois extrêmement violents. Aujourd’hui, l’enjeu le plus important pour les populations africaines est de faire le choix de modèles politiques qui correspondent aux sociétés qu’elles veulent construire, dans leur diversité et leur complexité. Je crois fondamentalement aux valeurs démocratiques mais c’est d’abord aux pays africains de réfléchir à l’opérationnalisation de celles-ci. Il y a a une très grande diversité de modèles politiques démocratiques dans le monde.

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